Plusieurs canaux le confirment : la pornographie ne fait plus honte. Finie l'époque de la flétrissure chaque fois que le sujet posait un cul indiscret dans la conversation ; quand l'évocation de nos pratiques faisait honte, nous rendant coupable d'on ne sait quelle atrocité. Finies ces allées et venues dans des ruelles en cul de sac où l'homme, jeune ou vieux, célibataire ou marié, se rendait en cachette pour se taper le dernier Brigitte Lahaye dans une salle glauque, assis à côté d'un déshinibé qui fixait l'écran, pupille obsédée, se tapant une branlette de bonobo, n'éprouvant pour la pudeur de quiconque le moindre égard. Était-ce bien l'endroit pour ce genre de scrupule ? Finie aussi ces sorties de salles, tristes à mourir, ébloui par le soleil indécent d'un après-midi du mois de mai, l'organe soulagé et l'esprit perturbé par une carence toujours aussi latente.
Ouste ! La morale coupable desculs bénis ! La pornographie fait son entrée dans votre salon ! Que dis-je ? Dans votre couple ! Aujourd'hui, c'est la tête haute qu'on revendique la soirée couple passée à regarder le dernier opus de Clara Morgane et Roco Sifredi pratiquant la fellation avec gourmandise ou s'adonnant à la sodomie, rugissant de plaisir, scandant des onomatopées traduisibles en n'importe quelle langue, mettant à exécution ce que l'on voit à l'écran avec son compagnon, son mari ou le voisin de palier avec plus ou moins de bonheur, fiers de cette liberté soudaine, gagnée à grands coups de reins ! D'ailleurs, on parle désormais de Marc Dorcel comme on parlerait de Luchino Visconti ! Voilà qui est grand ! Des soirées top comme celles qui semblent s'être installées dans l'esprit des françaises et des français, ça vous change un mental en moins deux.
Imaginez-vous l'ambiance le lendemain au bureau, à la caisse de la supérette ou dans les locaux du Pôle emploi ? Chacun relatant l'événement comme si nous avions regardé la remasterisation des films de Sophia Loren ou de Sylvana Mangano avec Marcello Mastroianni comme partenaire masculin. Selon un sondage d'opinion, la chose deviendrait très naturelle chez les couples d'aujourd'hui. Une façon comme une autre de lutter contre la morosité ambiante en s'offrant des soirées chatterie (entendez par là friandise), avec un film pornographique. Même s'il n'y a pas là de quoi fouetter son partenaire, la chose allume un débat aussi vieux que le désir.
(lire la suite…)