Ils sont venus, ils sont tous là, les uniformes de nos gardiens de l’ordre républicain, en lignes, en colonnes, en faisceaux, prêts à « nettoyer » le site de Calais. Ils sont là aussi, les militants d’associations qu’animent encore de vieilles belles valeurs humaines. Ils sont là encore, les journalistes poussés par leur sens du devoir d’informer. Ils sont là, enfin, celles et ceux qui n’ont pas fui à l’annonce du déferlement « républicain », devant les tentes et les cabanes, les mains vides dans les poches, le regard vide posé sur les bleus en ordre serré qui marchent sur eux.
Petit matin brumeux…
Le nettoyage commence, par les militants d’associations d’abord, que des mains gantées de cuir noir invitent chaleureusement à aller faire des crêpes, ou des gaufres, ou organiser un méchoui, ou peigner la girafe loin de là, le plus loin possible ! Par les journalistes ensuite, guidés de la pointe de la matraque vers un endroit où, peut-être, un chien vient de se faire écraser, se cache un quelconque gagnant au loto, le dernier fabricant de sabots manie encore la gouge en chevrotant ses souvenirs d’un autre siècle…
Petit matin brumeux…
Le nettoyage se poursuit ! Les bleus tirent par les hardes des badauds venus d’un lointain ailleurs, traînent sur le sol des corps mous, empoignent des fantômes d’humains, poussent des chapelets de silhouettes sombres vers des autobus qui ronflent en attendant leur pitance.
Petit matin brumeux…
Des cris montent, des protestations, des plaintes, des supplications, des mots de colère, des gémissements qu’accompagnent des larmes que personne ne verra jamais, qu’un nouvel exil tarira peut-être, ou la mort !
Petit matin brumeux…
Le site pue, la misère encore, la graisse de cuir et d’armes, les gaz d’échappement des autobus partis vers d’autres camps, plus discrets, plus secrets, plus oubliés !
Le site se tait !
Le site n’a plus de souffle !
Acta est fabula… La farce est jouée !
Mais, au-delà du spectacle… ce sont des femmes et des hommes que l’ont vient de (mal)traiter ainsi, en mon nom, puisqu’au nom du Peuple de France !
« Tous les hommes naissent libres et égaux… »
Curieux… j’avais pourtant l’impression d’avoir entendu ces mots-là, au prétendu « pays des Droits de l’Homme », hier, autrefois, dans une vie antérieure probablement !
J’ai dû rêver !
Petit matin… la brume s’est dissipée sur Calais…
J’ai HONTE !photo AFP