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Entre-deux

Par Joseph Vebret
Labyrinthe Phénomène d’entre-deux… Période intermédiaire, un peu floue, entre deux parutions, deux manuscrits, celui remis et celui à remettre, des livres à lire et qui s’entassent sur le coin du bureau, la table basse du salon, la table de chevet, tous entamés, aucun terminé, un magazine à boucler, des rencontres et autres réunions de travail… Un livre chasse l’autre. J’ai toujours sous-estimé la phase nécessairement épuisante de décompression consécutive à la sortie d’un livre en librairie. Les idées affleurent, les mots viennent sous la plume, mais comme retenus, en suspend, en attente. L’écriture est la culture de la patience. C’est en cela que le mode de fonctionnement du livre diffère fondamentalement de celui de l’internet, domaine de l’immédiateté et du commentaire déposé dans la foulée, à chaud, en temps réel. Entre le moment où l’on considère un roman achevé, susceptible donc d’être déposé chez un éditeur, et celui où parviennent les premières réactions, les critiques d’abord, les lecteurs ensuite, s’écoule un temps d’une lenteur qui paraît infinie. Quelques mois qui comptent double. Parce qu’un livre, notamment une fiction, est une partie de soi-même, une excroissance verbeuse jetée en pâture à des inconnus plus ou moins exigeants, plus ou moins érudits, plus ou moins enclins à pénétrer notre univers, un labyrinthe qui s’échafaude page après page et dans lequel le lecteur reste libre de se perdre ou de visiter chaque recoin. Si lire n’est pas neutre, écrire l’est encore moins : un roman est une prise de risque qui met autant en danger celui qui le lit que celui qui l’écrit : les livres qui nous touchent, qu’on les lise ou qu’on les écrive, nous renvoient à nous même, rappellent des images parfois oubliées, convoquent des souvenirs, ouvrent de nouvelles perspectives, mais qui restent étroitement liées à notre passé, à ce que nous sommes devenus, livre après livre, phrase après phrase. D’où l’aspect parfois autobiographique de mon approche de la littérature et des littérateurs. L’écrivain ou le lecteur ne sauraient être déconnecté de la mémoire : chaque phrase écrite, chaque livre lu, vient ajouter à l’édifice et donc à la subjectivité, ici revendiquée.

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