Les feuilles mortes se ramassent à la pelle

Rien ne ressemble plus à une rentrée littéraire qu’une autre rentrée littéraire. Même décor, mêmes acteurs, même scénario. Sans oublier le feuilleton de l’été, sur fond de pseudo scandale, qui finalement fait pschitt à l’arrivée, l’ouvrage dont le nom de l’auteur doit rester secret et qui alimentera les discussions des terrasses germanopratines, la rumeur sur l’énorme avaloir versé à tel écrivain, les pages censurées de tel autre nécessitant un retirage, bref des odeurs de cuisine ou des remugles d’arrière-salles qui viennent chatouiller nos narines délicates mais finalement habituées à ces inoffensifs effluves. Après tout, c’est de bonne guerre. Quelles que soient ses qualités intrinsèques, un livre doit être vendu, les éditeurs, comme les auteurs, ne sont pas des philanthropes. Et pour être vendu, un livre doit être connu, il faut que l’on parle de lui, qu’il soit visible. Il doit sortir du lot, se faire remarquer dans ce déluge éditorial. Et si l’on peut faire monter un peu la pression, pourquoi pas, rien d’illégal, car quoi qu’il arrive, c’est le lecteur qui aura le dernier mot.
On rêve du jour où les parutions s’étaleront de mai à juin, avant la période estivale, celle-là même où les vacanciers ont le temps de lire dans une disponibilité d’esprit propice à l’évasion et à la sensualité des mots, qui comme par magie forment des phrases, encore loin des tracas de la rentrée, des gamins à l’école, de l’achat des fournitures scolaires, du tiers provisionnel, des comptes bancaires exsangues, de la dure réalité du quotidien. On le dit, on l’écrit, rien ne bouge. Nous ne pouvons qu’acquiescer et faire avec ce goulot d’étranglement, cette déferlante qui ne satisfait personne mais dont tout le monde se contente.