Sarkozy s’est envolé pour les Etats-Unis, pour une semaine de rencontres internationales. Mercredi, il s’exprimera à l’ONU, un exercice qu’il affectionne fort. La veille, l’ambassade de France organise une somptueuse fête pour le Monarque. Vendredi, le sommet de Pittsburgh rassemble les chefs d’Etats membres du G20.
L’actualité étrangère est riche: les bonus bancaires, la préparation du sommet de Copenhague et l’Afghanistan occupent les esprits. Sur ces trois sujets, le président français parle beaucoup, menace souvent, mais convainc peu : sur la régulation du système financier, il suffit de lire les propositions concrètes du « formidable » accord européen pour mesurer combien elles sont modestes. Sur le sommet écolo de Copenhague en décembre prochain, on attend toujours autre chose que des déclarations d’intention. La Sarkofrance se gargarise de sa nouvelle taxe carbone, alors qu’elle reste à la traîne des pays occidentaux, avec les Etats-Unis. Reste l’Afghanistan, un nouveau bourbier (31 soldats français morts depuis 2001, dont la moitié depuis 2007). Nicolas Sarkozy s’était félicité de son alignement sur les positions américaines. Voici qu’il est pris de court par la lucidité de l’administration Obama.
Sarkozy aurait-il toujours un vol de retard ?
La déclaration de Barack Obama, dimanche 20 septembre, à propos de l'élection afghane fut peu commentée par les ministres de Sarkofrance: «Des fraudes ont été signalées, cela ne fait pas de doute et cela semble plutôt grave à première vue». Obama prend ses distances. Lui qui avait fait de la pacification de l’Afghanistan sa priorité, au profit d’un désengagement en Irak, est coincé par l’absence de soutien politique au Congrès américain. A l’exception des « faucons républicains », rares sont ceux qui approuvent le renforcement de l’engagement militaire américain en Afghanistan. Un sénateur démocrate affirmait il y a une semaine que “le peuple américain et moi ne pouvons plus tolérer l’envoi de troupes supplémentaires sans un véritable engagement au sujet de la fin de l’occupation”. Un éditorialiste conservateur a renchéri dans le Washington Post : "Dégager, contrôler, reconstruire, voilà la stratégie américaine. Dégager le terrain ? Les talibans peuvent disparaître et revenir ensuite, confiants dans le fait que les forces américaines seront toujours trop peu nombreuses pour conserver ce qu’elles ont acquis. La reconstruction nationale ne sera donc jamais possible, même si nous savions comment procéder” (source: Courrier International).
Le président Karzaï s’est voulu conciliant. Il a peur. L’allié américain le lâche. "S'il y a eu des fraudes, elles doivent faire l'objet d'une enquête, mais il faut que ces investigations se fassent équitablement et sans ingérence" a-t-il déclaré mi-septembre. Un éditorialiste du Daily Times critique : « Karzaï est un problème, pas la solution » ; « c’est dans les régions pachtounes, au sud et à l’est du pays, que l’influence talibane se fait le plus sentir. C’est également dans ces zones que la participation a été la plus faible et que les partisans du président sortant ont procédé au bourrage des urnes. Si tous les votes douteux devaient être annulés, il est probable que seul un faible pourcentage des votes, peut-être 10 à 15 %, serait finalement considéré comme valide. Cette situation remettrait en cause l’élection dans son ensemble. »
La France dépassée
Les déclarations d’Hervé Morin en Afghanistan, la semaine dernière, paraissent pour le coup totalement obsolètes : selon le ministre, "le processus démocratique se poursuit. Il n’y pas de crise politique". Il encourage même à la prudence quant à l’organisation d’un second tour, pointant vers les difficultés d’organisation d’un nouveau scrutin : "l’essentiel est que l’ensemble du processus démocratique s’exerce donc que les commissions électorales indépendantes puissent jouer leur rôle. Si à la proclamation des résultats, il faut un second tour, il y aura un second tour. Il est évident que ce second tour ne sera pas simple à organiser puisque nous arrivons aux portes de l’hiver et que ce second tour ne pourrait avoir lieu qu’à la sortie de l’hiver (…). Je ne sais pas si l’Afghanistan peut se payer le luxe d’avoir sept à huit mois encore de campagne électorale et d’instabilité démocratique".
Difficile pour le gouvernement Sarkozy, d'avouer l'échec de sa diplomatie atlantiste. Depuis 2007, Sarkozy a tout misé sur un rapprochement avec les Etats-Unis, tout en préservant infine des relations européennes dont il avait voulu un temps se passer. Au printemps 2008, il a rompu sa promesse de campagne en décidant seul un renforcement du contingent militaire français en Afghanistan. Concomitamment, il avait réintégré la France au sein du commandement militaire de l'OTAN. Ainsi, promettait-il, la France sera mieux écoutée et pourra infléchir la stratégie de l'alliance atlantique. Sarkozy fut l'un des rares dirigeants de l'alliance à féliciter le président afghan, le 19 août dernier, pour la qualité de l'organisation du scrutin présidentiel. Et aujourd'hui, la France reste l'un des rares pays, avec l'Italie berlusconienne, à n'émettre ni doute ni interrogation sur la suite à donner à ces opérations militaires. Depuis 2007, la Sarkofrance maintient au contraire ses arguments guerriers telle "la lutte contre la barbarie"). En décembre 2007, Sarkozy déclarait déjà, lors d'une visite surprise à Kaboul: "Il se joue ici une guerre, une guerre contre le terrorisme, contre le fanatisme que nous ne pouvons pas et ne devons pas perdre." Elle se transforme surtout en nouveeau bouc-émissaire pour les terroristes islamistes du monde entier.
Manque de chance, la lucidité américaine le prend de court.
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