[Silicon Valley de nuit, photo d’IvanoMak sur Flickr]
Est-ce nécessaire d’évoluer dans un foyer de startups pour démarrer une entreprise technologique? À croire le dernier essai de Paul Graham, la réponse est oui. Graham parle en connaissance de cause. En 1995, il démarrait une entreprise pour faire des magasins en ligne qui a été vendue par la suite à Yahoo. Plus récemment, il a mis sur pied YCombinator, un concept intéressant de capital de risque de très petits montants contre de petits pourcentages d’équité. Deux fois par années, des entrepreneurs qui sont sélectionnés travaillent ensemble pendant trois mois. Cette période ressemble à un cours intensif pratique de démarrage d’entreprise, mais avec un projet bien réel mis de l’avant par les participants.
On aurait tendance à penser que le web permet de rouler une compagnie de n’importe où, voire en plusieurs endroits. Or, la technologie ne change pas tout. Graham avait présenté son argument principal en faveur des foyers de startups comme Silicon Valley dans un essai précédent sur le futur des startups web:
“The value of startup hubs, like centers for any kind of business, lies in something very old-fashioned: face to face meetings. No technology in the immediate future will replace walking down University Ave and running into a friend who tells you how to fix a bug that’s been bothering you all weekend, or visiting a friend’s startup down the street and ending up in a conversation with one of their investors.“
Ça m’a rappelé un texte que j’avais lu il y a un moment (et que je ne retrouve plus…) qui comparait la Valley à la route 128 à Boston. Au début de l’informatique commerciale, les deux régions se développaient en parallèle. Chacune avait ses fleurons et ils couraient nez-à-nez. Or aujourd’hui, l’ouest domine clairement le jeu. Que s’est-il passé? Il semblerait que l’attitude des entreprises a joué pour beaucoup. À Boston, on voulait garder tout secret et à l’interne. Dans la vallée, les employés n’avaient aucune loyauté si ce n’est qu’envers eux-même. Plusieurs changeaient de compagnie, emportant avec eux quelques secrets mais beaucoup de savoir-faire. En gros, le maillage a été beaucoup plus intense qu’à Boston, nivelant le savoir vers le haut. Ce sont donc les contacts humains qui font l’avantage d’un foyer de startups. Voilà pourquoi les foyers sont de très petites régions et qu’on ne peut parler de ce concept à l’échelle de pays.
Le résultat, selon Graham, c’est que la vallée est l’endroit où se trouvent des ressources excellentes qui savent comment démarrer une entreprise. On n’a donc pas besoin d’y aller pour partir son entreprise. Cependant, si on y va, on rencontrera des employés compétents, mais aussi des investisseurs compétents. Ce n’est pas tout d’avoir de l’argent. Les connaissances et le réseau d’un investisseur peuvent faire une grande différence. Est-ce qu’on besoin de rappeler l’importance des humains pour la croissance dune entreprise?
Il ne voit pas le jour où Silicon Valley sera surpassée comme milieu idéal pour démarrer une entreprise web. En effet, ce type de grappe se bâti un intervenant à la fois. Comme discuté dans un article précédent sur la formation de réseaux, les nœuds les plus anciens ont plus de chances d’attirer le plus de liens. Un nœud a beaucoup de connexions, ce qui en attire encore plus, ce qui en attire encore plus, etc. Évidemment, Graham parle surtout de startups web. Si votre entreprise œuvre dans un autre domaine, il se peut bien que le foyer d’entreprises qui serait le meilleur terreau pour la voir grandir se trouve ailleurs.
Justement, quels sont les foyers propres au Québec? Je ne connais pas l’économie du savoir dans son ensemble, mais voici des domaines où le réseau d’entreprises semble se comparer avantageusement sur l’échiquier mondial:
- Aérospatiale
Saviez-vous que Montréal est la seule ville dans le monde où on peut fabriquer un avion d’un bout à l’autre? On a des fabricants d’aéronefs, des moteurs, des trains d’atterrissage, de l’avionique, bref, tout ce que ça prend pour faire voler. De plus, plusieurs universités et centres de recherche offrent des formations de qualité en aérospatiale. C’est le secteur de haute technologie qui emploie le plus de personnes au Québec. Les intervenants comprennent bien l’importance de l’échange et ont créé des structure pour la favoriser comme le CRIAQ et la Grappe aérospatiale du Montréal Métro. - Jeux vidéos
Les jeux vidéos ne sont plus que pour les geeks. À notre époque, il s’agit du média de création culturelle par excellence et ça représente une industrie gigantesque. Tellement que même Téléfilm Canada y investit. Des jeux vidéos classiques sont sortis des studios de Montréal et de Québec. Si vous voulez comprendre le dynamisme et l’importance de ce secteur dans la province, rendez-vous au Sommet international du jeu de Montréal le mois prochain. - Arts et spectacles
La créativité québécoise est aujourd’hui reconnue à travers le monde. Les exemples les plus évidents, Le Cirque du Soleil ou Ex Machina, sont carrément en train de définir de nouvelles formes d’arts de la scène en utilisant judicieusement des nouvelles technologies. Quand j’ai visité l’arrière-scène de Kâ à Vegas, les directeurs savaient que nous venions du monde académique. Ils suppliaient les professeurs de donner des cours sur ce qu’ils faisaient. C’est tellement nouveau qu’on ne peut pas encore l’apprendre à l’école et qu’ils ont toutes les misères de trouver de la main-d’œuvre. Voilà donc une niche où le Québec s’est installé et qui représente une belle opportunité.
Est-ce que je vais déménager à Silicon Valley? Rien de prévu dans ce sens pour l’instant, je suis très bien et très stimulé à Québec. Je serais plutôt du genre à me greffer à une grappe déjà existante ici. N’empêche que je serais vraiment curieux d’aller y faire un tour un jour…