Sans oublier leur professeur de français, particulièrement sensible à cet honneur, et récidiviste en la matière.
Un peu avant 14 h, quelques-uns des 850 élèves se pressaient donc devant les portes, qui fumant, qui attendant... mais quoi ? « C'est le “cours con” des lycées », nous explique l'un d'eux. « Ça fait tout un tapage, y'a des affiches dans les couloirs, on va le savoir que le ministre vient... » Agacé, certes, mais l'ambiance générale n'est pas là : certains ont hâte de voir le ministre, « parce qu'il passe à la télévision et qu'il est célèbre. Après, c'est juste un mec ».
Dans la cour, attendant avec les journalistes, Bernard Pivot, au titre de membre de l'Académie Goncourt, qui a effectué la sélection des 14 ouvrages. Lesquels ? Justement, les voilà :
- Edem Awumey : "Les pieds sales" (Seuil)
- Sorj Chalandon : "La légende de nos pères" (Grasset)
- Daniel Cordier : "Alias Caracalla" (Gallimard)
- David Foenkinos : "La Délicatesse" (Gallimard)
- Eric Fottorino : "L'homme qui m'aimait tout bas" (Gallimard)
- Jean-Michel Guenassia : "Le club des incorrigibles optimistes" (Albin Michel)
- Yannick Haenel : "Jan Karski" (Gallimard)
- Justine Lévy : "Mauvaise fille" (Stock)
- Laurent Mauvignier : "Des hommes" (Minuit)
- Serge Mestre : "La lumière et l'oubli" (Denoël)
- Marie Ndiaye : "Trois femmes puissantes" (Gallimard)
- V. Ovaldé : "Ce que je sais de Vera Candida" (L'Olivier)
- Jean-Philippe Toussaint : "La vérité sur Marie" (Minuit)
- Delphine de Vigan : "Les heures souterraines" (J.C. Lattès)
Ça c'est fait. Petite visite des locaux, présentation du projet culturel de l'établissement, le proviseur explique que sa boutique se veut semblable au « lycée plus juste », préconisé par le ministre, avec un accès à la culture qui « leur servira pour des études supérieures ». Cet ancien hôtel particulier du XVIIe siècle sera donc le lieu non du lancement officiel, mais de la remise officielle des exemplaires de livres aux élèves.
« Responsabilité, chance et engagement », tels seront les mots d'ordre du ministre aux lecteurs, ceux que Bernard Pivot qualifiera de « confrères du Goncourt », et pourtant Luc Chatel de les apostropher : « Je ne veux pas vous mettre la pression. » Et d'ajouter que leur rôle est essentiel, « capital », dans la vie du livre élu, de son auteur et que leur choix aura une évidente incidence sur... les ventes.
Le ministre aura aussi rappelé l'importance et la mission de l'Éducation nationale, et de son lointain prédécesseur, Jules Ferry, qui avait fait de l'école le lieu où l'on venait apprendre à lire. De son côté, M. Pivot est plus clément : « Si le roman vous barbe, laissez tomber. » Chacun y va de son conseil, tandis que le professeur rattrape le coup : il faut laisser sa chance au livre.
Ils auront deux mois pour lire les ouvrages et les discuter avec leur professeurs, eux et les 51 autres classes de « seconde, première, terminale ou B.T.S., généralistes, scientifiques ou techniques, réparties dans toute la France ». Ce 22e prix sera attribué lundi 9 novembre à Rennes.
Mais au fait, être membre du grand jury du Goncourt des lycéens, ça fait quoi ? Interrogée, Anaïs se contente d'un sourire d'extase et endiablé, mais reste silencieuse : les grandes douleurs sont peut-être muettes, mais certaines joies semblent indicibles...