L’éditorial de Daniel RIOT pour RELATIO :Sur quoi le « Grenelle de l’environnement » va-t-il déboucher, en France ? Quelques petites mesures à effets d’abord médiatiques, quelques réformettes à portée limitée et quelques perspectives de réformes structurelles qui de toutes façons s’imposaient, et qui sont déjà en cours (en Allemagne, par exemple).
D’ailleurs, les industriels de la voiture et de la construction, principaux intéressés, sont prêts à jouer un jeu qui les arrange économiquement. Et en dehors des gros exploitants qui sont plus des industriels de l’agro-alimentaire que de vrais paysans (par définition soucieux du paysage, donc du pays, donc de notre planète nourricière), les agriculteurs sont ouverts à tout ce qui peut non seulement préserver l’environnement mais l’améliorer.
Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille minimiser la portée de l’initiative. Mais les mesures structurantes attendues, notamment par Nicols Hulot, et espérées par tous ceux qui savent que l’écologie non seulement ne freine pas le progrès mais le favorisent, comme Corinne Lepage, ne sont pas encore prises. Mieux vaut être agréablement surpris que déçu par excès d’optimisme…
En attendant cette « heure de vérité » des vrais choix et des vraies décisions, un constat qui vaut déjà regret :la dimension européenne n’a pas jusqu’à présent la place qu’elle aurait du et pu avoir dans les discussions. Certes, l’Europe, on l’a évoquée, invoquée voire exhortée, mais « l’Europe », ce n’est ni un concept, ni une abstraction, ni « les autres »… L’Europe, c’est nous. C’est ce que nous voulons en faire. C’est ce que nous pouvons en faire en entraînant nos partenaires. « L’Europe verte » ne doit plus être le surnom de l’Europe agricole, mais devenir le nom de l’écologie européenne.
1) Nombre de directives européennes n’ont pas ou ont mal été transcrites dans le droit français. C'est scandaleux! Nul besoin d’un « Grenelle » pur cela, mais des mesures courageuses pour appliquer des décisions qui ont été prises par tous, y compris …par nous. L’écologie, c’est d’abord une éthique du respect. Commençons par respecter la parole donnée par la France. C’est vrai pour les nitrates et pour les eaux sales, mais pas seulement…
2) Sur nombre de problèmes, la France est en flèche par rapport à ses partenaires européens : l’utilisation intensive et abusive des pesticides notamment. Ou à la traîne : le tri des déchets, notamment. Pourquoi ne pas pour chacune des sources de pollution nous calquer systématiquement sur ce qui se fait de mieux dans chacun des pays européens. C’est cela « l’Europe par le haut, l’Europe par le mieux ».
3) Sur nombre de pistes ouvertes par le « brainstorming » écolo, ce sont des solutions européennes qui seules peuvent améliorer les choses. Trois exemples significatifs sous-entendent des mesures fiscales : Taxe carbone, taxe aux frontières (taxe Cambridge), fret routier…
POUR DES ECO-TAXES EUROPENNES
Certes, l’Europe fiscale n’existe pas encore (hélas!) et les Britanniques notamment y sont hostiles, mais pourquoi ne pas sur ces sujets là créer des « impôts européens » dont les recettes seraient effectivement destinées à donner des moyens d’actions et d’impulsions à l’Union européenne.
Au moins nous éviterions les procès d’arrière-pensées et d’intentions : les « éco-taxes » ne doivent pas servir à alourdir une fiscalité déjà trop lourde, mais servir à modifier des habitudes de consommation, de fabrication ou de distribution, à financer des infrastructures dépolluantes et à stimuler un développement propre et durable. C’est à l’échelle européenne que cela peut et doit être fait d’une façon vraiment efficace.
4) La création d’un Institut de veille environnemental sur le modèle de veille sanitaire s’impose, ne serait-ce que pour protéger les « arbitres », ceux qui ont le courge d’alerter en prenant des risques. Mais cela aussi devrait être fait au niveau européen. Souvenons-nous du ridicule français au moment du nuage de Tchernobyl qui s’arrêtait sur le pont de l’Europe entre Kehl et Strasbourg…
5) Le principe de subsidiarité doit évidemment être respecter dans ce qui touche aux politiques de l’environnement (qui en fait devraient être une composante de toutes les politiques dans tous les secteurs), mais, Marché commun oblige, il est des mesures concrètes qui doivent être prises au niveau communautaires.
Certains sujets posent des problèmes pour l’heure insurmontables (poids du nucléaire, OGM…), mais l’étiquetage écologique des produits de consommation et les labels « verts » doivent se faire et s’établir au niveau communautaire. Comme il importe que le « principe de précaution » ait une définition européenne plus claire.
Autant dire que ce « Grenelle » pour l’heure a trop oublié l’Europe. Mais il n’est peut-être pas trop tard.
Daniel RIOT