Voici désormais une technique de communication éculée du gouvernement et de Nicolas Sarkozy en particulier qui pour donner l'illusion de l'action, focalise l'attention de l'opinion publique sur un élément précis qui fera l'objet d'une mesure, d'une loi ou d'un décret.
La question n'est pas de savoir si ceux-là répondront efficacement au problème posé, source des maux dont nous souffrons tous. Non, là n'est pas l'objectif poursuivi. Il s'agit simplement d'apaiser la vindicte populaire en vouant aux gémonies le bouc-émissaire, le sujet prompt à incarner de manière crédible le mal, à concentrer sur sa personne une haine suffisante pour oblitérer le jugement rationnel de tout un chacun.
Le fonctionnaire tire-au-flanc justifiant la privatisation du service public, l'élève insubordonné provoquant l'immersion de la police dans le cénacle de l'Education Nationale, le délinquant des cités légitimant la prolifération des caméras de vidéosurveillance, l'ultra-répression d'infractions autrefois mineures.
C'est une variante du mécanisme contrôlée de la catharsis.
Phénomène exutoire par lequel l'homme expie, chasse le mal, purifie sa conscience par le spectacle du sacrifice ou du châtiment.
Utilisée à mauvais escient, la manoeuvre habile permet de cautionner la pérennité d'un système pourtant défaillant, de maintenir une situation favorable aux intérêts particuliers.
Ainsi la privatisation ne règle en rien le problème de la performance du service public, l'intrusion de la Police Nationale ne permet pas plus de respect de l'apprentissage et de l'Education Nationale, la multiplication des actes de répression n'endigue pas l'augmentation de la violence de la société.
Il en va ainsi de ce nouvel appeau, ce leurre que l'on nous brandit, cet appât auquel on voudrait que l'opinion publique s'hameçonne: le trader, et ses bonus colossaux.
D'autres ont pu judicieusement soulevé l'échec du G20 auquel on nous prépare afin que l'on n'attende pas trop de ce qui n'est au final que poudre aux yeux. Le sujet a néanmoins réussi à focaliser l'attention, tant et si bien que la plupart a déjà oublié le but poursuivi.
L'ennemi est identifié mais on ne sait plus pourquoi on le combat, seul la victoire compte...même si l'on ignore quelle forme cette dernière doit revêtir.
Une fois que les bonus des traders auront été limité, que fait-on?
Le but n'est pas réellement de diminuer les écarts de rémunération au sein des établissements bancaires, combat noble qu'il conviendrait de mener à l'échelle économique globale.
Il s'agit de réduire la financiarisation de l'économie dans laquelle la spéculation financière s'est totalement détâchée de l'économie réelle, en ce qu'elle ne repose plus sur les possibilités de croissance mais sur un postulat que toute activité économique doit croître à un rythme destiné à satisfaire des appétits d'actionnaires voraces.
Seulement, pomper l'eau d'un puit à raison de 100 litres par jour lorsque celui ne peut en fournir que 50, cela n'a rien de constructif sur le long terme...
La réglementation des bonus des traders n'est qu'un moyen parmi tant d'autres de réduire cette propension à prendre des risques démesurés, à exiger des retours sur investissements irréalistes ayant pour conséquences directes ou indirectes, les catastrophes humaines inacceptables que l'on a connues ces dernières années, initiées par des délocalisations outrancières vers des pays socialement défavorisés.
En outre, on peut comprendre la crainte des établissements bancaires de voir leurs meilleurs talents partir pour quelque terre aux meilleures auspices. Si décision il y a, celle-ci doit s'appliquer à une grande majorité de pays afin d'éviter une concurrence faussée.
La démarche du G20 en elle-même apparaît inepte à ce titre. Rappelons par exemple que la Suisse n'en est pas membre.
Qu'obtiendrons-nous donc de mieux à l'issue de ce G20 de Pittbsburgh?
Une décision concertée de limiter la rémunération des traders qui s'appliquera aux pays membres.
Inconvénients: les activités de marché se déplaceront géographiquement mais continueront, certains tireront gloriole d'avoir obtenu une mesure symbolique même si inefficace ce qui permettra de servir la communication aux prochaines échéances électorales, la nature des investissements, des risques et exigences de retour d'investissement n'auront pas changé.
Rappelons une chose, un trader n'est qu'un salarié. Les exigences de performance, ainsi que l'environnement de travail sont établis essentiellement par la Direction et l'actionnariat de l'entreprise. Même dans un monde idéal où toutes les banques joueraient le jeu de la saine rémunération, il est peu sûr qu'elles cesseront d'exiger de telles extravagances financières, d'autant plus qu'en réduisant la masse salariale, ce sera ici l'occasion d'augmenter un peu plus ses marges.