Souffrez que je dénonce ce silence coupable, indifférent et cruel qui entoure cette frange de la population, qui, non seulement est défavorisée par la nature, mais, qui est également condamnée par notre société. Je veux parler des personnes qui présentent des déficiences en terme de comportement et de performances intellectuelles.
En ma qualité de mère d’enfant trisomique, permettez que je partage avec vous mon expérience :
- Qu’est ce qu’un enfant porteur de Trisomie?
- Comment cette différence « d’état » est elle gérée par la société ?
- Quelles perspectives pour une meilleure insertion sociale de ces laissés pour compte ?
L’enfant trisomique naît avec une anomalie génétique, qui se produit lors de la séparation des chromosomes. Il est caractérisé par des malformations plus ou moins marquées (morphologiques, cardiaques, etc.) et par un handicap (psychomoteur et neurologique avec trouble du langage et une déficience intellectuelle responsable de difficultés scolaires). Il s’agit donc d’un enfant fragile, qui demande une attention soutenue et un suivi médical régulier par des spécialistes en cardiologie, ophtalmologie, oto-rhino-laryngologie, orthophonie, kinésithérapie, psychologie, etc.
Comme vous le constatez, la prise en charge d’un enfant trisomique est onéreuse. Compte tenu de la mauvaise conjoncture économique, n’y a-t-il pas lieu de s’interroger sur le rôle joué par les autres acteurs de la société ?
En raison de certaines considérations culturelles, dans notre société traditionnelle ivoirienne, la naissance d’un enfant trisomique est vécue de façon tragique. Sa malformation effraie, si bien que l’enfant, traité de mauvais « génie » ou de « sorcier », voire « d’enfant serpent » est condamné par la société. Aussi, la communauté, y compris les parents géniteurs de l’handicapé, décide-t-elle de l’éliminer ou de l’abandonner.
Toutefois, au-delà des tabous de notre société africaine, certains parents accueillent l’arrivée d’un enfant trisomique avec plus de sérénité. Ils envisagent cet état comme une maladie contre laquelle ils tentent de trouver un remède. Tandis que d’autres, mieux informés, comprennent que ces enfants ont tout simplement besoin de compagnie, d’attention, d’être guidés et aimés pour s’épanouir.
Les enfants trisomiques sont en général enthousiastes, sensibles, attachants et d’agréable compagnie. Pourquoi donc avoir peur de ces êtres qui n’ont choisi ni de naître, ni leur état ?
Aujourd’hui, une prise en charge effective de l’enfant trisomique, dès la naissance, lui permet d’atteindre une espérance de vie d’environ 60 ans ! C’est pourquoi, à l’initiative de l’Etat et de certains parents d’handicapés psychiques, quelques centres, œuvrant pour leur prise en charge socio-éducative, existent en Côte d’Ivoire. Ces structures travaillent également pour la réinsertion sociale et professionnelle des handicapés psychiques, visant à leur conférer une autonomie certaine.
A Abidjan, les principaux centres que j’ai visités sont :
- le centre de guidance infantile, situé dans l’enceinte de l’Institut National de la Santé Publique à Adjamé, créé en 1969 ;
- la Page Blanche, aux 2 Plateaux, dont nous nous souvenons du Téléthon organisé en 2007, afin de recueillir des fonds pour acquérir un nouveau site ;
- L’Institut Médico-pédagogique de Vridi, créé en 1972, qui a été un centre d’excellence jusqu’en 1993; Ma fille y a été pensionnaire pendant une année ; ce qui m’a permis de mieux m’organiser.
Ces structures d’accueil sont confrontées à des difficultés financières, si bien que certaines sont menacées de fermeture. Les sollicitations d’aide formulées par les dirigeants de ces centres, à l’endroit de la population et des autorités sont souvent sans suite. Si la majorité des pays développés assurent la prise en charge systématique des handicapés psychiques, en Côte d’Ivoire, l’Etat peine à octroyer des subventions aux centres spécialisés. Néanmoins, il recommande l’admission de ces enfants dans les écoles pour enfants « dits normaux », en vue de contribuer à leur intégration sociale.
Ma fille fréquente désormais l’école « les 7 nains ». Elle y est bien intégrée et fait des progrès remarquables. Agée aujourd’hui de 8 ans, Yasmine est en classe de CP2. Elle participe à toutes les activités de son école, mais évolue à son rythme. L’intégration des enfants handicapés psychiques à l’école ordinaire est une démarche décisive pour leur autonomie et leur socialisation.
J’ai décidé de faire ce témoignage pour briser le mystère dont certains parents entourent leurs enfants trisomiques. J’évoque ici le cas de ma fille avec fierté, car je suis convaincue que tout don de Dieu n’est que pure grâce. Cependant, je puis vous affirmer qu’éduquer un enfant trisomique n’est pas facile. Cela demande de l’abnégation, de la patience, de la persévérance et beaucoup d’amour.
La peur du regard de l’autre et le mépris où serait tenu l’handicapé psychique ne sont fondés que sur l’ignorance, sur des concepts superficiels des droits humains. L’enfant trisomique présente, comme tous les autres enfants, des forces qui ne demandent qu’à être mises à profit ! Un trisomique français est devenu un célèbre cinéaste. Donnons, nous aussi, une chance à nos trisomiques :
- Apportons notre contribution à la survie des structures qui les accueillent ; partageons avec amour et générosité.
- A travers l’aide publique aux financements de la recherche et à la prise en charge des Trisomiques, l’Etat leur permettrait une amélioration constante de la qualité de vie.
Mesdames, Messieurs, des lendemains meilleurs s’annoncent ! En effet, selon le Docteur Henri Bléhaut, Directeur de recherche à la Fondation Lejeune, les progrès de la recherche pour le traitement de la trisomie 21 permettent d’espérer la découverte d’un futur traitement. Alors, mobilisons-nous, pour ensemble, construire un avenir meilleur aux enfants trisomiques.
A propos de l'auteur : Nanan TRAORE est membre du Club Toastmasters AGORA. Elle est Chef Comptable à la Compagnie du Développement du Manganèse et Autres produits (CDMA-CI).