Un lecteur apporte ce commentaire : "Moins froussard que Johnny le ptit Nicolas... " Un autre se permet ce trait d'humour : "passe-partout et mimi mathy seront ils du voyage pour la haie d'honneur devant les cameras ? " et un autre pose ce que nous qualifions de bonnes questions :
"1) N'y aura t il que des soutiens ou encartés ump pour l'accueillir ? 2) Devra t on sélectionner des personnes de petite taille pour ne pas lui faire de l'ombre..(quoi que de l'ombre, en novembre, c'est parfois salutaire pour éviter les marques du soleil ... des fois qu'un malaise vagal ....) 3) faudra t il dépenser ce qui avait été nécessaire (d'ailleurs...qui a payé la note à l'époque ??) lors de sa dernière visite, pour aménager à ses besoins la chambre de la préfecture où il dormira ... ?"
Et pourtant, lorsqu'on évoque l'île de la Réunion ces derniers temps, dans les media, de la métropole, il ne semble exister que deux sujets : L'annulation du concert de Johnny Halliday et la grippe A/H1N1.
Il faut dire que l'un va avec l'autre. En effet, on pouvait lire dans la presse people que : "Le 20 septembre prochain, Johnny Hallyday devait donner un concert à Saint-Denis-de-la-Réunion. Ses fans ne le verront finalement pas sur scène, puisqu'il a dû annuler son show en raison de la pandémie de grippe A/H1N1 qui touche l’île. "Au regard des informations et des recommandations formulées par les pouvoirs publics français et les autorités sanitaires internationales, la production a dû se résoudre à faire le choix de ne pas exposer l’ensemble de l’équipe artistique et technique aux risques liés à la grippe A/H1N1", a annoncé dans un communiqué le producteur du chanteur, Jean-Claude Camus ... / ... " - Source News de Stars
Même si une dizaine de milliers de fans sont en colère, il est toutefois assez incroyable de réduire l'actualité et la vie de ce département français à ces deux seuls faits ! En effet, au delà des images "cartes postales" on en vient à se demander s'il ne faut pas que les habitants utilisent les méthodes de ceux de la Guadeloupe pour qu'on veuille bien nous informer correctement.
Car, il s'en passe des choses localement :
- États généraux de l’Outre-mer
- Les prix : 55% plus cher à La Réunion qu'en métropole
- Politique de l'éducation nationale
- Conflits sociaux
Et dans les media de la métropole : Johnny Halliday et la grippe A/H1N1
Nous avons décidé de demander à Geoffroy Géraud et à Manuel Marchal, journalistes à "Témoignages" - Quotidien fondé en 1944 par Raymond Vergès - de nous donner leur sentiment et d'apporter des réponses quant au quasi blocus de l'information en provenance de l'île de la Réunion.
Slovar les Nouvelles : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Manuel : "La défense des sans-défense" : c’est le but que s’était assigné le fondateur du journal, le Dr Raymond Vergès, qui fut l’initiateur, avec le syndicaliste de Lépervenche, du communisme réunionnais. Témoignages a longtemps été l’organe central du Parti communiste réunionnais (PCR), qui a mené la lutte populaire dans la quasi-clandestinité au cours des années 1960 et 1970. Notre journal était une brèche ouverte dans le mur d’information caporalisée d’alors. Aujourd’hui, les choses ont changé dans la forme, mais fondamentalement, l’uniformité demeure.
Geoffroy : La pensée unique domine les média, qui se concentrent sur les faits insignifiants, les variétés que vous évoquiez et les faits divers, qui selon la formule de Bourdieu, font diversion des problèmes véritables. De nombreux journaux sont morts ; il ne reste plus que trois quotidiens, dont "Témoignages".
Nous demeurons intimement liés au PCR, à son projet de développement de notre société. Nous essayons d’informer au mieux les Réunionnais des bouleversements imminents que la crise, la mondialisation et le réchauffement climatique vont apporter à leur quotidien déjà difficile : nous tentons de porter la voix du peuple réunionnais.
Slovar les Nouvelles : Geoffroy, Manuel à votre avis pourquoi les media de la métropole sont quasi muets sur la Réunion ?
Manuel : Il y a une longue histoire de méconnaissance de l’Hexagone – je n’emploie pas pour ma part le terme de « Métropole » envers La Réunion. Il faudrait faire une histoire sociale et culturelle de la représentation qu’ont des Réunionnais les Français d’Europe … Peut-être comprendrions-nous comment se sont imposées les images qui perdurent de notre pays. Force est de constater que certains thèmes prédominent dans ce que l’on donne à voir de nous : sorcellerie, ruralité…
Geoffroy : Je me souviens d’un téléfilm, -j’en ai oublié le nom- tourné à La Réunion, qui ressassait tous ces clichés. Ce sens commun est aussi partagé par les médias : pour eux, ici, il ne se passe rien que d’exotique : sectes religieuses, épidémies…Il faut dire, à la décharge de ces derniers, que ce schème est semble-t-il partagé au plus haut niveau : le Conseil d’Etat vient d’annuler une élection cantonale à La Réunion, en considérant que les électeurs avaient été influencés par une rumeur de sorcellerie. C’est une véritable insulte à la population.
Slovar les Nouvelles : On parle peu ou pas de la situation économique et sociale de l'île, quel est-elle ?
Geoffroy : Sur le plan économique, le système actuel arrive à son degré dernier d’ essoufflement. Il y a 52% de la population au-dessous du seuil de pauvreté, plus de 100.000 illetrés, un chômage qui atteint 30% Nous avons connu un retour inattendu de la violence institutionnelle et de la répression. Nous avons subi trois années durant un Préfet tel que nous ne pensions plus possible qu’il en existât de semblables. On a vu des mouvements de camionneurs aux slogans ouvertement fascisants assiéger le Conseil régional – institution élue- avec l’assentiment tacite du représentant de l’Etat. Il y avait alors ici comme un parfum de Chili.
Le même Préfet n’a pas témoigné la même compréhension envers les grands mouvements sociaux qui ont suivi ceux des Antilles : les lacrymogènes ont volé bas, et les coups de matraque tombaient dru. Il y a quelques jours, le même Préfet a « dégagé » sans ménagement une occupation des axes routiers, se comparant sur les ondes d’une radio locales à un « général en campagne ».
Manuel : On croit rêver. Dans le même temps, certains élus communistes font l’objet, à l’approche des élections, d’un véritable harcèlement judiciaire. Là encore, il y a un retour à un niveau de tension qui n’avait pas été atteint depuis bien longtemps. Il faut dire que le vote communiste a progressé ces dernières années : de grandes communes ont été conquises ; la Région est dirigée par Paul Vergès, fondateur du PCR ; le PCR est le plus grand parti de l’île, en terme d’effectifs militants et de résultats électoraux, comme vient encore de le démontrer le scrutin européen. Le PCR est promoteur et initiateur des grands projets de développement dont parlait Manuel, et menace ainsi ceux qui ont intérêt à ce que demeure le sous-développement…et les privilèges qui y sont liés, vestiges de la colonisation.
Slovar les Nouvelles : Les récents évènements aux Antilles ont montré que les populations n'étaient pas hostiles à une forme d'autonomie. Qu'en est-il pour La Réunion ?
Manuel : l’Autonomie a été le mot d’ordre du PCR et la lutte de « Témoignages » entre 1958 et 1981. Mais ce débat a été perverti par la propagande « départementaliste », qui claironnait que de manière occulte, le but du PCR était l’indépendance. Aujourd’hui, ces mots n’ont plus grand sens : il nous faut ouvrir le débat sur la responsabilité réunionnaise, et développer nos compétences, afin de valoriser au maximum nos atouts, dans le cadre de la République décentralisée et de l’Union européenne. Ces choses font d’ailleurs l’objet d’un consensus de plus en plus large, comme le montre l’adoption par le Conseil Général et la région, à l’unanimité, d’un document commun au terme des etats-généraux.
Slovar les Nouvelles : Que souhaitez-vous ajouter ?
Geoffroy : l’un des grands combats que nous menons est d’ordre mémoriel et culturel. Notre société est connue pour être l’une des plus métissée au monde. Néanmoins, des discriminations subsistent envers les descendants d’esclaves. Pour briser le cycle de reproduction séculaire de la violence sociale issue de l’esclavage, mais aussi de l’engagisme et de l’exploitation coloniale, un grand projet a été conçu : il s’agit de la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (MCUR), qui en plus d’une forme muséale, constitue un dispositif mémoriel unique en son genre.
Ce projet a été parrainé, entre autres, par des personnalités d’horizons aussi différents que Jacques Derrida, Aimé Césaire, ou Raymond Barre. Il a été entériné au plus haut niveau ; pourtant, la perspective de sa réalisation a déclenché une véritable réaction, au caractère ultraviolent. Tout ce qui reste de colonialisme, de racisme, de misogynie dans notre société, toutes ces choses refoulées par le processus de décolonisation sont brutalement redevenues visibles et dicibles.
La critique du projet va du racisme et du révisionnisme décomplexé à une forme plus poujadiste « on ne va pas dépenser nos impôts pour cela etc »… derrière laquelle il n’est pas difficile de déceler la peur, voire la haine de l’homme noir, et plus généralement, envers les classes populaires réunionnaises.
Si les lecteurs souhaitent vous joindre comment peuvent-ils le faire ?
Manuel : Ils peuvent lire le journal mis en ligne gratuitement à l’adresse www.temoignages.re, et faire connaître les articles au maximum de monde… C’est ce que nous souhaitons : " aller, comme l’écrit Paul Vergès, d’une île au monde"
Merci Geoffroy, merci Manuel.
Crédit photo
Témoignage - Nout Zournal OnZeWéb