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Pourquoi la Réunion est belle

Publié le 21 septembre 2009 par Laurelen
Pourquoi la Réunion est belle Chère cousine, tu m'envoies une lettre pour t'inquiéter de l'île que tu aimes tant. Et accessoirement de ma santé. Il est vrai que là-bas, ils ont tout fait pour te faire peur. Rassure-toi. Ici, les Alizés n'apportent que l'air du large, et les étonnants microbes du désir. Le vent sur le front de mer de Saint-Pierre soulève les jupes, et fait frissonner, le soir, les hommes dans leur chemise légère.
Ici, il y a toujours autant de chômeurs. La vie n'est pas facile sous les tropiques, mais elle est plus douce que dans le froid mordant qui t'est désormais coutumier.
Tu me parles d'été indien, d'arrière-saison, de mélancolie tandis que l'automne s'installe au creux des arbres, et dans le coeur des hommes. Je te réponds hiver, la frais qui t'enroule dans tes draps le soir, qui t'enveloppe dans des rêves d'ailleurs, en attendant l'épreuve de l'été.
Tu t'inquiètes aussi, belle cousine, de ce que la Réunion perde son âme. Qu'on y frappe les femmes, que l'on y tue ses propres enfants, que les gens, ici, oublient ce qui a fait leur force depuis quatre siècles : la solidarité, le savoir-vivre ensemble, au-delà de toute la violence dans laquelle notre île est née et à grandi.
Aussi, pour te rassurer, je vais te rappeler pourquoi la Réunion est belle. Ce n'est pas le volcan, le ciel, les plages, la mer, ni non plus les fruits, les fleurs, et les feuilles (et mon coeur qui ne bat que pour vous) qui font ce pays unique au monde.
Ce qui fait que la Réunion est belle, ce sont les gens... Te parlerais-je de ce vieil homme croisé sur le marché de Saint-Pierre, casque colonial sur la tête, médaille au revers du veston ? Ou de ce mendiant élégant, assis sur les marches d'une agence bancaire, avec sa fine moustache et son impeccable panama vissé sur le crâne ? Te dirais-je mes épiques parties de billard avec un ancien de 79 ans, imposant comme un golem ? Et ces conversations avec une jeune femme taouée de la tête aux pieds, légère comme un zéphyr, et aux yeux pleins de secrets ? Ou encore cette femme qui venait de sortir de prison, qui m'a parlé de son fils, de l'homme qu'elle a aimé, des cris qui l'empêchaient de dormir la nuit. Elle ne disait pas « la prison ». Simplement « Domenjod ». Comme on dirait « Fleury ».
Quand tu reviendras, je t'emmenerai aussi à La Bretagne, pas celle où tu vis, la vraie. Tu y verras des hommes, qui boivent, rient et parlent fort, mais ont toujours à manger pour toi si tu as faim, et même un coin ou dormir si tu ne sais pas où...
Bref, tendre et belle cousine, je tenais à te rassurer. Quand tu reviendras, la Réunion aura bien changé. Mais son âme est restée intacte. N'oublie pas de m'envoyer un peu de froid de tes lèvres légères...

François GILLET

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