Les Français et les banques : des sous et de la communication

Publié le 21 septembre 2009 par Delits

La crise financière semble avoir mis à mal l’image des institutions bancaires, en particulier les banques de financement et d’investissement (BFI), notamment pour leurs activités de marché. En cette rentrée, certains établissements ayant obtenu des prêts de la part de l’Etat, ont annoncé des profits et attribué des bonus à leurs employés dans des proportions qui ont choqué une partie de l’opinion et ont fait réagir les politiques européens. Un dispositif de « bonus-malus » devrait même être mis en place : le calcul du bonus devra désormais être justifié auprès de la Commission bancaire sur trois exercices (donc trois ans au lieu d’un seul), ce qui devrait limiter en partie la vision court-termiste.

Le montant des prêts accordés aux ménages et aux entreprises fait également débat alors même que le ralentissement de la croissance des encours de crédit en France a été beaucoup plus modéré que celui observé dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Espagne. Cela n’empêche pourtant pas un établissement comme BNP Paribas de promettre publiquement d’augmenter le montant de son offre de crédit pour les PME et d’afficher sa bonne foi à grands renforts de publicité.

Les activités de marché ont mauvaise presse

Tandis que règne la désagréable impression de banques d’ores et déjà sorties de la crise, le petit peuple continue de compter les victimes de la crise. En effet, si d’un côté les profits de ces grands groupes et l’optimisme sur les marchés financiers sont d’ores et déjà de retour, le taux de chômage se montre beaucoup mois brillant et l’intérim, malgré des signes de frémissement en cette fin d’été, marque encore un recul important. Le tout dans un contexte où les caisses de l’État sont plus vides que jamais et où les discussions du futur projet loi de finances s’annoncent virulentes.

Le retour de confiance d’une partie des investisseurs sur les marchés a notamment profité aux groupes financiers : après les dégringolades de 2008, l’effet rattrapage s’est amorcé puisque le titre BNP a pris 88% depuis le début de l’année, le Crédit Agricole 73% et la Société Générale 50%. La palme revient à Dexia, groupe sauvé de la faillite grâce à l’injection de 6.4 milliards d’euros en septembre 2008 par les gouvernements belges, français et luxembourgeois (et dont François Rebasamen était administrateur jusqu’en octobre 2008) : son titre a pris 97% depuis le début de l’année et 165% en 6 mois.

En mars 2009, les banques sont considérées comme le premier responsable de la crise économique (citées par 58% des répondants). Cette responsabilité parait encore plus importante chez les sympathisants de droite dont les deux tiers la mettent en évidence contre « seulement » 57% des sympathisants de gauche.(( Sondage TNS Sofres/Logica réalisé le 17 et 18 mars 2009 par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 970 personnes)). En plus d’être coupables, leur solidité financière ne convainc pas puisque près d’un Français sur deux pensait en janvier dernier que les banques n’avaient pas la solidité financière pour résister à la crise.1

Des critiques également dans leurs activités de dépôts

La série de scandales depuis deux ans a mis fin à une belle histoire des Français avec leurs banques, mais cette histoire avait déjà du plomb dans l’aile dpour des raisons plus basiques. En 2006, quand tout allait bien, 86% de nos concitoyens se déclaraient satisfaits de leurs relations avec leur banque2. Pourtant, l’obsession du pouvoir d’achat naissante, 40% d’entre eux jugeaient déjà le prix des services bancaires « excessifs »3.

Les conflits concernant les activités de dépôts des banques ne vont alors cesser de croitre avec en 2008 une augmentation sensible du nombre de plaintes déposées par les clients pour des tarifs excessifs. La DGCCRF a ainsi observé une hausse de 15,1 % des plaintes, même s’il est vrai qu’elles restent encore peu nombreuses. Quelque 2 277 clients ont signalé des problèmes au premier semestre 2009, contre 1 978 sur les six derniers mois de 2008. Les contestations sur les frais appliqués ont bondi de 60 % d’un semestre à l’autre. Mais les clients dénoncent également, selon les cas, le manque de lisibilité des contrats (103 réclamations contre 33 précédemment) et des pratiques commerciales trompeuses (t’as pas les chiffres ?).

Une image ravagée et des attentes fortes

Au final, l’image des banques a été sérieusement écornée depuis 2007 : le baromètre de suivi des grandes entreprises françaises mené par Ipsos (je crois) révèle ainsi que le Crédit Agricole a perdu 54 points entre février 2008 et février 2009 (c’est de la bonne image c’est ça ?), BNP Paribas 47 et la Société générale perdu 71 points entre septembre 2007 et février 2008 ,l’affaire Kerviel étant passée par là.4.

Face à cette dégradation d’image, les attentes relatives au rôle premier des banques – le financement de l’économie – n’ont jamais été aussi importantes, de la part des ménages et des entreprises. En décembre 2008, les attentes principales des commerçants vis-à-vis de leurs banques concernaient les conditions de remboursements de crédits (35% des réponses enregistrées) et du financement des investissements (27%)5. De façon assez logique, ces attentes sont plus fréquentes chez ceux qui se déclarent insatisfaits de l’activité économique de leur commerce (46% contre seulement 27% des satisfaits) et ceux qui ont constaté une baisse de leur chiffre d’affaire (45% contre 19%).

De même, le soutien aux commerçants pour maintenir et développer leur activité est jugé insuffisant dans 80% des cas.

Pourtant – c’est peut-être également le signe de cette dépendance vis-à-vis des banques – dans une large majorité la confiance accordée aux établissements de crédits est restée la même depuis le début de la crise : 68% des commerçants interrogés leur prête une confiance inchangée. Ce chiffre monte même à 73% chez les moins de 35 ans.

Cette confiance accordée dans les établissements banquiers est d’autant plus méritoire que la situation financière d’une partie importante des TPE s’est largement dégradée à partir de la fin 2008. En février 2009, l’indicateur de situation financière atteignait son plus bas historique ((33ème baromètre des TPE Fiducial – Ifop). 28% des patrons de TPE déclaraient connaître des difficultés financières importantes et 30% jugeaient leur situation inquiétante. Elle ne devait d’ailleurs pas s’améliorer à court terme : près de trois banquiers sur quatre estimaient que la trésorerie de leurs clients ne devrait pas s’améliorer dans les trois mois ; constat partagé par 43% des patrons concernés.

Dans cette optique, la communication déployée par la BNP Paribas prend tout son sens mais le chemin vers l’installation d’une image de « banque citoyenne» , plus à l’écoute des besoins des ménages ou des PME que concernée par ses activités de marché, parait encore long. Elle souffre alors de la concurrence d’autres établissements bancaires dont l’activité de banques de dépôts est davantage mise en avant et de l’omniprésence médiatique de banques mutualistes. Ces dernières jouent la corde, parfois de manière abusive, de banques non impliquées dans des activités de marché à risques. La volonté de communiquer sur leurs responsabilités sociales cache néanmoins une réalité moins reluisante avec notamment des pertes également importantes.

S’il est vrai que leur exposition sur les marchés à risque reste plus faible que les BFI, la présence de sociétaires (à la différence traditionnelle d’actionnariat privé) étant notamment souvent mise en avant. La prédominance de leurs activités locales sont également régulièrement mises en avant : cela n’a pourtant pas empêché la Caisse d’Epargne d’afficher une perte de 750 millions d’euros due à un dépassement de limites de risques fixé par la direction.

Cette distinction entre BFI et banques de dépôts a été implicitement reprise par les hommes politiques dans leurs discours. En France, Nicolas Sarkozy a ainsi mis en avant la nécessité des banques de financer de l’économie réelle ; parallèlement les débats concernant une nationalisation de la partie banque de dépôts apparaissent, y compris dans des partis gouvernementaux.

S’il parait peu probable de voir une segmentation BFI / banques de dépôts comme le Glass-Steagall Act avait pu l’instaurer aux Etats-Unis (distinction qui n’a jamais vraiment existé en France), il est fort à parier que la communication des principales institutions bancaires mettent en avant leur proximité et leur disponibilité au service de l’économie réelle. Il est cependant regrettable que ces débats et ces visions grandement parcellaires de la crise financière occultent d’autres éléments tout aussi problématiques. Ainsi l’extrême complexité de la structuration des actifs présents sur les marchés financiers rendent la lecture de sa composition et sa traçabilité absconse même aux principaux acteurs de l’ingénierie financière. Il n’est ainsi plus rare de voir des établissements négocier des actifs sans en connaître la composition ou l’origine exacte.

De même, l’efficacité débattue des agences de notation ainsi que l’objectivité mise en cause des pôles fusion/acquisitions dans leurs activités de conseil se voient reléguées aux oubliettes alors même qu’elles constituent une donnée clé du problème.