A las cinco de la manana…
Sage comme une image
Il se trouve que Philippe Sage et moi avons relevé tous les deux une même phrase prononcée lors d’un entretien sur la Matinale de Canal +. Philippe, qui n’était pas d’accord avec l’auteur de la phrase (Henri Guaino, pour ne pas le nommer) en fait un billet. Et comme je suis d’avis contraire, voici en miroir ma contre-analyse.
Qu’a dit Guaino, à propos de la vidéo d’Hortefeux ? “Je trouve qu’on rentre dans une société étrange dans laquelle on ne peut plus rien dire, plus rien faire … Vous savez, la transparence absolue, c’est le début du totalitarisme. La transparence, ça veut dire qu’il n’y a plus d’intimité, plus de discrétion, plus rien n’a d’épaisseur dans la transparence, à commencer par les êtres, d’ailleurs …”
Contrairement à Sage, j’ai trouvé cette phrase pleine de bon sens. Et je m’insurge lorsque mon cher confrère blogueur explique que nulle part sur l’internet on ne trouverait une « volonté de transparence« . Au contraire : c’est toute la société (et pas seulement l’internet) qui exige la transparence de l’action publique. Le citoyen estime qu’entre deux élections, il a un droit permanent à l’explication, une espèce de droit de regard sur l’action des gouvernants.
Le coup d’image permanent
Qu’il s’agisse du voyeurisme de certains magazines (que j’analyserais comme l’appropriation par la plèbe de la vie privée de son élite), des demandes continuelles pour que soit levé tel ou tel secret défense (aucun secret ne peut tenir face à l’opinion), de l’émergence de ce que les américains appellent « accountability » : tous les signaux vont dans le même sens.
Je mettrais volontiers dans la même famille la télé-réalité (ou la manière de bâtir sa notoriété non pas sur son talent, mais sur son vide tout en exposant sa nudité*), la dictature des sondages (où l’on prend pour parole d’évangile non pas ce que disent les gens mais ce que « quizze » la masse), et les blogs (ou le déni de la fonction sociale du journaliste, que n’importe quel citoyen saurait occuper).
La souveraineté a été royale puis nationale. Et maintenant la voici opinionale.
Bottom-Up Totalitarism
En introduction, deux bémols par rapport aux dires de Philippe. Nicolas Sarkozy, comme Philippe le relève, s’est lui-même fait l’apôtre de la transparence, il est vrai. Mais on notera qu’il s’y est brûlé les ailes : son divorce l’a mis quelque temps en difficulté, et ses pépins de santé ont pris des proportions gigantesques. De plus, Philippe Sage omet – volontairement ou involontairement – de préciser que Guaino a été plus prudent que ce qu’il laisse entendre. La transparence absolue c’est LE DEBUT du totalitarisme.
Mais là n’est pas l’important. Car en se focalisant trop sur la transparence, Philippe Sage ne s’est pas interrogé sur celui de totalitarisme. Le mot semble en partie mal choisi par le scribe du Président : un régime totalitaire tente de s’immiscer jusque dans la sphère intime de la pensée, il est vrai, mais c’est toujours pour imposer une idéologie.Or là, quid ?
Sauf que le totalitarisme que pointe Guaino n’est pas ce old fashioned totalitarisme mais un type nouveau, une idéologie a-idéologique venue de la foule qui fait de la masse son principe et son but. La dictature du « on », cette masse informe qui bruisse & buzze sans forcément savoir où elle va et ce qu’elle veut mais qui interdit à son élite de la diriger au nom de l’égalitarisme.
Voilà mon interprétation de la « prophétie » de Gaino : le risque que nos démocraties représentatives périssent d’un mouvement populaire mais incontrôlé de simili-démocratie réelle. Ce Fuhrër là ne saurait être tué dans un attentat, car chaque citoyen, tel le Janus de l’Antiquité, en deviendra le bourreau et l’avatar.
Nous sommes tous des « Small Brothers »
* Notez que le concept même de « secret story » est là encore de dévoiler tout sur chacun.
Démocratie directefouleHenri GuainomassePhilippe SageplèbeSujets: Paso Doble | 9 Comments »