La tension est perceptible entre les collectivités et l'Etat ces derniers jours, la Taxe Professionnelle (TP) vit ses derniers instants, remplacée par un système où les élus locaux de tous les étages territoriaux essayent de ne pas sortir perdant.
Les jours qui viennent, avec les différent congrès des collectivités, (congrès de l'Assemblée des départements de France, convention de l'Assemblée des communautés de France, et enfin congrès des maires et présidents de communautés), vont être décisifs pour que le gouvernement puisse convaincre les élus de l'efficacité de la solution de remplacement.
Difficile pour un simple conseiller municipal comme moi, de comprendre sincèrement la position qu'adopte notre exécutif aujourd'hui. D'une part, le ministre en charge des Collectivités Territoriales (qui est aussi notre ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux), qui coure les fameux congrès et assemblées susmentionnés, afin d'y propager la bonne parole (je fais court):
La TP est la seule, des quatre taxes directes locales perçues par les collectivités territoriales, à ne pas être supportée par les ménages. Elle représente environ 50% des recettes de ces mêmes collectivités (un peu moins dans le milieu rural). Selon le projet présenté par le gouvernement le 8 juillet, elle serait compensée par une cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée des entreprises, et une cotisation locale d'activité. Ces positions, sont à peu prés conforme à ce que réclamaient les collectivités, le ministre avance donc en terrain presque conquis ( à quelques détails près). Dans le monde des entreprises, le secteur de l'Industrie sortirait grand gagnant du projet de la commission des Finances (en évitant d'accroitre forfaitairement les valeurs locatives foncières des entreprises, en favorisant une minoration de l'assiette foncière globale du secteur industriel).
La position du ministre auvergnat est plutôt compréhensible, aucun problème. En revanche, celle de François Fillon, relève beaucoup plus de l'équilibrisme qui caractérise les postures politiques opportunistes. Que dit le Premier Ministre ?
_ "Le secteur public devra continuer à réduire son poids global dans l'économie nationale. Aujourd'hui, nous avons engagé un effort de réduction du nombre de fonctionnaires en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partants à la retraite. Ce n'est pas une décision facile (...). Mais dans le même temps où nous supprimons des emplois publics dans la fonction publique d'Etat, les collectivités locales recrutent 36.000 fonctionnaires supplémentaires tous les ans. Comment imaginer que ce système puisse continuer ? Moi je vous le dis, il ne continuera pas, et si on n'y met pas un terme maintenant, plus on attend, plus ça va être brutal le jour où il faudra faire les révisions politiques nécessaires."
(Discours prononcé lors d'un déplacement consacré à l'emploi au Puy-en-Velay, Haute-Loire, Reuters, Figaro, Nouvel Obs)
Qui croire ? Si Brice Hortefeux garantit que les collectivités ne seront pas perdante du rééquilibrage fiscal, si François Fillon demande aux collectivités de se serrer la ceinture, et si les parlementaires de la commission des finances ont correctement résolu leurs équations consistant à réduire la charge fiscale des entreprises sans augmenter le déficit ?
L'impression générale que me donne cette situation, c'est un incendie constitué essentiellement de contre-feux, le premier à tirer fut Philippe Marini, rapporteur de la commission des Finances du Sénat, voulant clarifier le problème de la " Taxe Carbone " : " Ce n'est pas un élément que l'on peut raisonnablement, sur le moyen terme, faire figurer dans les compensations à la disparition de l'actuelle taxe professionnelle. ". Le Syndicat national unifié des impôts, lui, n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat " L'évocation d'une compensation (partielle) par la création d'une taxe carbone revient (...) à transférer sur les ménages les allègements accordés aux entreprises ". Ces commentaires datant du début de l'été 2009, ont suscité, nous l'espérons tous, un vif intérêt de la part de la commission Rocard-Juppé, ou en tout cas sur le discours de Jean-Louis Borloo ces derniers jours.
J'aimerais partager avec vous, une chose qu'il me semble importante de rappeler régulièrement : il existe un principe de non-affectation des recettes qui interdit de lier juridiquement une recette à une dépense ( merci Jules). Autrement dit, la Taxe Carbone affectée à tel ou tel poste de remboursement, c'est du flan. Et pire, avec 6% de déficit, il m'étonnerait fort que le gouvernement ne se retire une balle dans le pied comme il l'avait fait pour le bonus des voitures vertes mal compensé, ou autrement dit, compensé par d'autres impôts ou la dette.
Si ni les collectivités, ni les entreprises, ni l'État n'y perdent ... Serait-il surprenant que les ménages règlent la note ? C'est, selon moi, ce que François Fillon a compris. Et le seul moyen de ne pas étouffer les ménages c'est évidemment de réduire le train de vie des collectivités territoriales. Cependant, l'État est aujourd'hui bien mal placé pour donner des leçons de comptabilité publique (c.f. endettement et déficit de l'État). Espérons cependant que les élus comprennent les enjeux et prennent toute la mesure de la nouvelle origine de leurs moyens financiers.