En alternance avec les investigations de Philip Niels, nous suivons l'errance de Paul Janüs. Critique musical, Paul Janüs est marié à une journaliste militante et fréquente un milieu contestataire dont il ne parvient pas à se distancier, alors qu'il lui correspond finalement assez peu. Il affiche des idéaux nobles, mais est secrètement rongé par la peur de l'autre et la haine de la différence. Si Stälitlen, candidat à la présidence, le fascine, c'est qu'il est un démagogue haineux qui reprend à son compte les hantises et les rancoeurs de la population, en proposant des solutions faciles et faussement rassurantes. Janüs n'ose affronter ses propres démons, c'est pourquoi il préfère les projeter sur autrui en désignant un bouc émissaire : le peuple norda, dont il ignore à peu près tout de la culture, de l'histoire ou des valeurs, et qu'il stigmatise, faute de le comprendre. L'histoire, faussement linéaire, est construite dans un parallélisme en trompe-l'oeil, où les deux récits disjoints finissent par se rejoindre en un point de fuite inattendu.
À travers ce roman sombre, et pourtant tout en nuances, Fabrice Lardreau nous invite à réfléchir sur l'origine du racisme et de la peur de l'autre en général, et sur ses conséquences à l'échelle d'une nation. Le monde qu'il nous décrit ressemble au nôtre dont il grossit certains traits. Le pays dont il est question n'est pas parvenu à faire la paix avec son ancienne colonie, la République du Nord, et entretient avec elle des relations ambivalentes. L'écologie devient hygiénisme, fantasme de pureté tout comme la xénophobie très prégnante et la lutte obsessionnelle contre le terrorisme... Terrorisme dont on peut se demander de qui il émane vraiment, dans une démocrature où l'histoire du pays, réécrite par le pouvoir en place, n'est plus que la version officielle des événements... Autres avis : Daniel Fattore, Pierre Maury