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Gregory Bateson et l’École de Palo Alto

Par [email protected]

(Parution Journal du Jeune Praticien, n° 46 du 30 octobre 1985)

Palo Alto

Palo Alto: "berceau de la Silicon Valley, fusion de tradition et de modernité" (source de l’illustration : San Jose Magazine)

 Gregory Bateson, le fondateur de l’École de Palo Alto est né sujet britannique en 1904 et décédé citoyen américain en 1980, après avoir écrit son dernier livre (La nature et la pensée, Le Seuil, 1984) alors qu’il se savait condamné par la maladie. Fils d’un généticien de la première heure, il renonce à la biologie pour se consacrer tout d’abord à l’anthropologie. Cette activité princeps lui permet de rencontrer et d’épouser, en Nouvelle-Guinée, sa consœur (à l’époque bien plus célèbre que lui) Margaret Mead (connue notamment pour son étude des systèmes éducatifs insulaires traditionnels). À l’approche de la Seconde Guerre Mondiale, Bateson émigre aux États-Unis, comme bon nombre des plus brillants cerveaux européens (Einstein, Fermi…) qui, fuyant l’Europe décadente, laisseront derrière eux des terres appelées à devenir ainsi, plus que jamais (à titre définitif ?), « le vieux continent ». Influencé très tôt par les paradoxes (dès ses études à Cambridge où la considération universitaire des paradoxes était alors reconnue d’une haute valeur pédagogique), Bateson en fera l’une des assises originales et fécondes de son œuvre. Vers la fin de la guerre, il fait partie des quelques hommes qui vont travailler pour renouveler radicalement la pensée (Wiener, Von Neumann, Shannon…) en insistant surtout sur l’ineptie des cloisonnements en spécialités isolées et l’intérêt d’un savoir multidisciplinaire. Pionnier de la cybernétique, il en appliquera certains concepts à l’étude de la psychiatrie, discipline qu’il préfère appeler une « pathologie générale de la communication ».

La nature et la pensée
 

Ultime ouvrage de Gregory Bateson

Installé à Palo Alto près de San Francisco, il cristallise autour de lui l’avant-garde de la psychologie et de la psychiatrie américaines depuis 1959 (fondation du MRI, le Mental Research Institute) sous l’effet catalyseur de la célèbre Stanford University.

Université Stanford

Université Stanford (Californie) [source de l'illustration : site  http://bestuniversitiesinusa.com/]

La qualité majeure des membres de ce « groupe de Palo Alto » est certainement leur éclectisme marqué, un psychiatre n’hésitant pas à étudier l’informatique ou le comportement des dauphins par exemple. Éclectisme contrastant, faut-il le rappeler, avec le sectarisme navrant qui sévit parallèlement dans notre Europe étiolée où l’enseignement de la psychiatrie et de la psychologie se trouve encore monopolisé par des théories psychanalytiques pour le moins surannées et laissant une part trop belle à l’arbitraire (comme dans le système des « topiques » freudiennes). S’appuyant notamment sur l’intérêt épistémologique des paradoxes, l’École de Palo Alto va profondément renouveler les théories comme les pratiques psychiatriques : concept de la « double contrainte » dans le déterminisme et l’auto-entretien de certaines psychoses, thérapies systémiques, thérapies familiales, thérapies brèves, thérapies paradoxales, etc. Aujourd’hui, l’héritage intellectuel de Bateson est toujours vivace ; son dépositaire le plus connu est le psychothérapeute, chercheur et écrivain Paul Watzlawick (connu notamment pour ses best-sellers La réalité de la réalité et Faites vous-même votre malheur).

Faites vous-même votre malheur

Faites vous-même votre malheur (Paul Watzlawick, Le Seuil, 1984) : une parodie décalée des livres de conseils pratiques !

L’enseignement européen de la psychiatrie souffre sans doute, paradoxalement, d’être élaboré par les seuls professeurs de psychiatrie (ou de disciplines apparentées : médecine, psychologie) car l’on méconnaît ainsi fatalement les apports conceptuels (nouveaux éclairages sur le fait psychique) des autres sciences en marche, notamment l’informatique (laquelle débouchera peut-être un jour, avec les recherches sur les ordinateurs dits de « cinquième ou sixième génération », vers une forme d’intelligence artificielle). Les médecins persuadés que leur art est constitué de spécialités autonomes (bien différenciées et imperméables entre elles comme aux autres sciences) ne trouveront, bien sûr, aucun intérêt à lire les ouvrages des membres de Palo Alto ! Dans le cas contraire…

Alain Cohen

[À suivre : Plus paradoxal que ça, tu meurs (seconde partie)]


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LES COMMENTAIRES (1)

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posté le 21 septembre à 18:48
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Génial ;)

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