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Après plusieurs années marquées par la recherche infructueuse d'un “tueur” patenté de l'abeille - virus, parasite ou pesticides -, la théorie de facteurs multiples, qui agiraient séparément mais aussi combineraient leurs forces, est de plus en plus partagée. C'est désormais l'axe de recherche privilégié. “Nous n'avons toujours pas d'explication claire du phénomène, mais nous sommes sûrs qu'il n'a pas une cause unique”, affirme le biologiste Peter Neumann, responsable d'un programme international de prévention des pertes de colonies baptisé Coloss.
Sur le terrain, l'hécatombe continue. Les chiffres présentés au congrès Apimondia confirment l'ampleur des mortalités. Aux Etats-Unis, le taux de pertes a atteint 30 % à la sortie de l'hiver dernier. Le Canada a également perdu quasiment un tiers de ses populations d'abeilles. En Europe, les chiffres varient entre - 10 % et - 30 %.
Les scientifiques parlent de phénomène “multifactoriel”. Les divers suspects seraient tour à tour responsables des mortalités - qui n'ont pas forcément les mêmes causes dans tous les pays. Mais surtout, la piste d'interactions entre eux est prise très au sérieux. Selon cette théorie, l'abeille serait affectée par une série de stress “primaires”. Les virus et champignons seraient des agents “secondaires”, qui profiteraient de la faiblesse des abeilles.
Selon un chercheur, la question du déclin des pollinisateurs est “gravement sous-estimée par les gouvernements”. La mortalité des abeilles n'affecte pas seulement les apiculteurs, contraints de “remonter” leur cheptel en divisant leurs essaims, en achetant de nouvelles reines… ou de mettre la clé sous la porte.
Si la citation catastrophiste d'Einstein, qui prédisait l'extinction de l'homme quatre ans après celle de l'abeille, est apocryphe, les conséquences d'une disparition des insectes pollinisateurs seraient graves, estiment les chercheurs. Un tiers de l'alimentation européenne, en particulier les fruits et légumes, doit être pollinisé par des abeilles domestiques ou sauvages. “Nous aurons moins de nourriture, dans un monde en croissance démographique, prévient M. Neumann. Sans parler de l'impact de la disparition des abeilles sauvages.” Essentielles à la préservation de la biodiversité, celles-ci disparaissent elles aussi à un rythme inquiétant.