Déjà difficile de faire comprendre à ses proches qu'on peut être en forme à certains moments de la journée, et effondré à d'autres... sans passer pour mythomane, hypocondriaque, capricieux ou... chieur!
C'est pourtant notre réalité, avec laquelle nous essayons de composer, sachant que le repos ne garantit pas toujours la récupération qui nous permettrait une activité normale.
Et puis il y a les quiproquos liés aux conséquences physiques des poussées: de bipède marchant, le SEPien peut devenir bipède tremblant, qui tangue...
Et là, en public, dans la rue, certains entendent des moqueries, voire des reproches sévères: "Quelle honte! Saoûl à cette heure-ci! Et en pleine rue!"
Non, chers valides, tous les gens qui tanguent, se retiennent tant bien que mal à un mur, déséquilibrés, ne sont pas bourrés! La sclérose en plaques insensibilise nos pattes, les paralyse, trouble notre équilibre et notre force et provoque ces symptômes, voire des chutes.
Alors, ne nous laissez pas par terre, ne nous condamnez pas avec une mine et des paroles désapprobatrices. Aidez-nous!
Le SEPien passe donc du stade debout à celui de bipède incertain, avec une cannes ou deux, et c'est loin d'être un festival pour ses guiboles!
Quand il n'est pas obligé de passer au stade "assis" en fauteuil roulant, provisoirement ou définitivement. Ce mode "hybride" assis/debout avançant parfois de guinguois fait de lui un malentendu ambulant, sans mauvais jeu de mots.
Lorsqu'une poussée de sclérose en plaques paralyse au point de rendre l'usage du fauteuil utile ou nécessaire, les déplacements en public peuvent provoquer plusieurs réactions: un SEPien peut, en principe, s'extirper de son fauteuil pour faire quelques pas, sauf cas graves comme le mien. Alors pour une personne non initiée, voir quelqu'un se lever de son fauteuil roulant hors contexte lourdesque (!?!), relève de l'escroquerie! Les regards furibonds et les remarques fusent. (d'ailleurs, ce malaise existe même au sein des familles si elles n'ont pas été bien informées sur la SEP!!!)
Pour ma part, j'ai pris l'habitude, dès le début de la maladie, d'expliquer, même aux inconnus.
Exemple concret: quand je veux faire un retrait à un guichet automatique non adapté, trop haut, je suis obligée de bloquer mes freins et de me verticaliser (si je marchais encore, je dirais de me lever) afin d'accéder au clavier. Je me soulève, donc, et parfois, j'entends un petit cri de stupéfaction derrière mon dos (genre:"Mais elle peut se lever! Donc elle marche! Donc elle n'a pas besoin de fauteuil!") Faux, hélas. Si malgré ma paraplégie incomplète je parviens à me hisser en position verticale pendant une petite minute, et seulement à condition d'être en appui sur les deux bras sur un support fixe et dur, c'est après des mois de kiné intensive en centre de réadaptation. C'est en appui, affalée sur le clavier, que je tape péniblement code et autres. Et au moment de prendre les billets, je risque la chute à chaque seconde. Pour me rasseoir, c'est tout un bins. Et là, la personne qui attend derrière moi commence à comprendre. Et j'en profite toujours pour expliquer: "J'ai une sclérose en plaques, vous savez, alors j'ai encore un peu de mouvement, mais je ne peux plus marcher. Certains sclérosés peuvent marcher, mais si peu, qu'il leur faut un fauteuil pour l'extérieur. Moi, c'est permanent. Le fait d'être capable de se verticaliser ne signifie pas qu'on tienne debout. Ni qu'on soit en état de marcher. La maladie se dégrade en autant de variations que de malades. Il y a ceux qui tanguent, ceux qui sont en cannes, en fauteuil, ceux qui passent d'un stade à l'autre, parfois même au courant d'une même journée, vous savez."
Les discussions avec les passants sont importantes. Ils sont toujours intéressés et connaissent presque tous au moins un SEPien. Mais ignorent tout de la maladie. Du coup j'ai entendu certains me dire:"Ah, j'ai une voisine qui a peut-être votre maladie alors, parfois elle marche normalement, parfois elle a des cannes, puis elle remarche normalement. Comme elle n'explique pas ce qu'elle a, la rumeur disait qu'elle escroquait la sécu. Je comprends mieux maintenant! Il est possible de passer d'un stade à l'autre, puis de récupérer!"
L'incompréhension, je la lis aussi dans les yeux des gens quand je me verticalise et pivote, appuyée sur la portière, pour me transférer dans une voiture. Nous avons grandi avec cette idée fausse et farfelue véhiculée par les grands films hollywoodiens dans lesquels le héros paralysé et hospitalisé rebouge son orteil grâce à sa volonté et à la compétence de son grand médecin, et où il récupère forcément! Que nenni! Ce n'est pas ainsi que cela se passe dans la vraie vie. On peut récupérer un peu, mais pas suffisamment pour remarcher (mon cas), ou beaucoup, ou tout... Ou rien...
Je n'ose imaginer combien de sclérosés en plaques passent encore pour des pochetrons, ou pour des escrocs à la Sécu alors qu'ils vivent tout bonnement les aléas d'une maladie terrible. Avec ses hauts, ses bas, ses stades assis, debout... couché dans les cas extrêmes.
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