En France, la description parle moins, mais outre-Manche ou Atlantique, quand on considère un ebook comme un livre moins cher et pratique, on se trompe peu. "Pratique" constitue d'ailleurs le facteur international commun... Dire qu'ils remplaceront les livres est aujourd'hui un comportement alarmiste inutile : à ce jour, il faut parvenir à faire cohabiter les deux supports. Demain, n'est pas à redouter, pour qui est avisé de cela...
La sortie de The Lost Symbol, le dernier Da Brown en version pbook (p- pour paper, donc papier) et ebook simultanément, et l'envol des ventes constaté sur Amazon, en faveur du numérique bouleverse un poil la donne. On aurait tort de méconsidérer cet événement : il incarne véritablement l'évolution pas-à-pas qui va changer la donne.
L'Antéchrist réfléchit à l'ebook
Andrew Keen s'est déjà distingué pour des thèses assez farouchement défendues contre le net et la technologie plus largement. « Quand je regarde le Web, j'y vois principalement un chaos culturel et éthique. J'observe le vol rampant de la propriété intellectuelle, le plagiat, la pornographie extrême, le spam incessant et l'inanité intellectuelle », expliquait-il à Écrans.fr.
L'Antechrist de la Silicon Valley a frappé de nouveau - rappelons cependant que ce bonhomme a prédit la fin de Facebook en mai 2008... avant la fin de cette même année. Tout est donc à prendre avec des pincettes taille XXL...
Que nous dit donc ce brave homme : que les ebooks sont peut-être pratiques et pas cher (viens en France, coco...), mais qu'ils ne représentent pas un progrès culturel significatif. Idiot : dans un sens, l'ebook n'est pour l'heure qu'une autre manière de lire un même texte, aucune raison qu'il apporte donc un renouveau culturel. Et doublement idiot, car les outils de demain pour lire engendreront nécessairement une nouvelle sorte de livres, aujourd'hui qualifiés d'augmentés, mais probablement plus riches en éléments divers que jamais. À terme, ils pourraient révolutionner la lecture, tout simplement.
Oiseau de sinistre augure, sans connaissance du secteur
« La fin est proche pour le livre imprimé. » Idiot de rechef. Et uniquement bon à jouer les Pères Fouettard dans l'univers de l'édition. Qui n'en a clairement pas besoin. Et d'ajouter qu'au cours de la Biennale de Rio, il demanda à une femme ce qu'elle ferait sans livres : « Je veux mourir », répond-elle, ignorant qu'elle est prise au piège de ce joyeux farfelu. L'apport du numérique est considérable : si nous le voyons peu encore, plusieurs initiatives tentent çà et là de creuser de nouvelles branches, de nouvelles voies pour la lecture. Le commerce du livre ne sera pas tué par l'ebook, il évoluera simplement, vers d'autres offres. D'ailleurs, on s'amusera de ce que le Brésil, justement, prépare un lecteur ebook entièrement réalisé par des entreprises nationales... Preuve s'il en est du désintérêt...
Or, notre illuminé persiste : « Mais ce que le lecteur ebooks fera, c'est de remplacer la chaleur physique du livre avec la froideur du numérique. » Idiot, ter. Le développement de l'impression à la demande permettra toujours de disposer d'une version papier pour qui le souhaite... Passer de la platine 45 tours au baladeur MP3 ne s'est pas fait en un jour, d'autant qu'entre temps, nous étions passés par la cassette ou le lecteur CD. Et l'on se prendrait parfois à rêver que ces oiseaux de malheur tombent de leur branche une fois pour toutes.
Gourou cherche ouailles dociles
Bien sûr qu'un auteur s'inquiète du confort de ses lecteurs est légitime, de même qu'il peut encore rêver de doigts cornant les pages pour éprouver le papier, ou que l'on ressente encore le contact de la couverture. Mais nombre de lecteurs qui ont accepté l'ebook sont aussi de grands et gros lecteurs, qui ne renient pas le papier pour autant. Enfonçons-nous cela dans le crâne sérieusement ! Et surtout, surtout, fuyons des attitudes à l'emporte-pièce, aux formules caustiques tirées d'un manuel du savoir provoquer façon Voltaire.
Quand notre ami explique que dans la nouvelle ère numérique, les lecteurs, les écrivains et les éditeurs se retrouveront face à des objets sans âme, et que l'ebook dépossédera finalement l'écrivain de la sienne, un suppo et au lit, mon petit. Toutes les alternatives se mettent en place pour que progressivement, l'ebook trouve sa place, sans pour autant décourager ni déposséder les amateurs de papier. Nul « tsunami numérique » ne sucera le sang des lecteurs.
Mais certains prophètes auront toujours à gagner, de prêcher le contraire...