« Un enfant n’est ni gentil ni méchant affirme le philosophe François Roustang. Il ne connaît ni le bien et le mal, il doit juste se battre pour trouver sa place », parce qu'il vient perturber l'économie familiale.
En même temps on attend de lui qu'il soit sage, qui n'embête pas ses parents la nuit, qu'il apprenne certaines règles.
Il comprend donc qu'il doit s'aliéner pour se faire reconnaître, et gagner ainsi son étiquette d'enfant sage.
S'il reçoit l'amour et la générosité de ses parents, il a toutes les chances de grandir dans une sécurité affective propice à l'épanouissement de sa gentillesse.
« Dans le développement de l'humanité, comme dans celui de l'individu, c'est l'amour s'est révélé le principal, sinon le seul facteur de civilisation, en déterminant le passage de l'égoïsme à l'altruisme » rappelle Freud.
Des influences décisives
Un peu plus tard, le petit garçon de la petite fille manifestera son attachement à son père ou à sa mère en s'identifiant à lui, en voulant devenir ce qu'il ou elle incarne à ses yeux ; et, si lui renvoie une image de bonté, l'enfant a toutes les chances de vouloir calquer son comportement sur celui de l'adulte qu'il aura idéalisé.
Mais, avant sept ans, les enfants ne font pas clairement la distinction entre bien et le mal.
Ils n'intériorisent la notion de morale qu'entre huit et 12 ans, a démontré le psychologue et biologiste Jean Piaget.
«Jean a renversé, sans le faire exprès, un plateau de 15 tasses, qu'il a cassé, tandis qu'Henri a cassé une tasse pour voler de la confiture...
Question : Est-ce que les deux enfants sont aussi « vilains » ; et, sinon, lequel est « le plus vilain » ?
Pour les plus petits, jusqu'à 7 ans il faut punir celui qui a cassé 15 tasses : ce n'est pas l'intention, mais le résultat qui compte.
Pour les plus grands, âgés de 11 à 12 ans, il faut contraire, punir celui qui a volé, c'est donc l'intention qui compte.
En classe, au sein d'une fratrie, la gentillesse développe plus naturellement si les adultes pratiquent un "traitement égal pour tous", soutient Freud.
C'est à partir du moment où celui qui incarne l'autorité ne marque pas de préférence entre les enfants que le sentiment de jalousie évolue vers une solidarité qui perdurera tout au long de l'existence et de la vis sociale.
Pourtant à certaines périodes de notre vie, nous pouvons ressentir la nécessité de verser dans la méchanceté.
Il peut s'agir d'une question de survie quand nous sommes physiquement menacés dans la rue.
Ou bien de la nécessité d'obtenir le respect, quand, par exemple, nous subissons des tentatives de brimades, de harcèlement au travail.
L'autre ne se situe plus à côté, mais face à nous, dans une posture ouvertement hostile.
La gentillesse devient alors quelque chose de négatif ou de nocif : nous sommes gentils parce que nous ne savons pas nous imposer et exister.
Si on ne souffre pas...
Il y a aussi ces moments où nous construisons contre l'autre, où nous nous opposons.
La préadolescent et l'adolescence peuvent être propice au surgissement soudain d'une passion pour la cruauté qui "peut ne durer qu'un temps dans un itinéraire" pense la philosophe et psychanalyste Monique Schneider.
Il s'agit d'une manière de s'affirmer qu'il ne peut se faire qu'en négatif.
'"L'horizon du chômage, la précarité, les six difficultés d'accès au logement nous confortent à des situations de survie, facteur favorisant la méchanceté » explique le sociologue Michel Fize.
Difficile, quand nous avons été rejeté par des êtres que nous aimons, quand nous risquons de perdre notre emploi ou quand nous sommes malades, de ne pas faire -parfois malgré nous- rejaillir notre souffrance sur notre entourage, dans des accès de rage mauvaise qui peuvent nous donner l'impression d'avoir prise sur ce réel qui nous abîme.
Parce que nous-mêmes, nous avons le sentiment d'en avoir une dans la société.
Reconnu dans notre travail par nos pairs, écouté par nos proches, nous avons la sensation de pouvoir encore réaliser quelques-unes de nos plus profondes aspirations, et surtout de regarder sereinement l'image que nous renvoie chaque matin notre miroir.
Et qui nous permet de persister dans notre bienveillance vis-à-vis d'autrui, y compris dans les circonstances les plus inhumaines.
Hélène Fresnel de psychologique magazine.
Allez au plaisir de vous lire...