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Science sans conscience

Publié le 20 septembre 2009 par Christophefaurie

5 minutes d’écoute d’une émission de France culture, samedi matin. La section que j’ai entendue disait que plus rien n’était ce que signifiait son nom : les tomates poussaient hors sol, les vaches n’étaient plus que des machines à transformer les céréales en une quantité invraisemblable de lait, les chiens plus que de jolies choses… 1984 d'Orwell.

L’analyse de la valeur au centre de la pensée américaine

Cela reflète une tendance lourde de la civilisation américaine. Un exemple avant de décortiquer le phénomène : les OGM. Aujourd’hui, ce qui limite la quantité d’insecticide que l’on peut déverser sur une plante, c’est la plante : elle crève s’il y en a trop. Les chercheurs de Monsanto ont donc décidé de créer des organismes qui produisent du pesticide, et d’autres qui en absorbent d’énormes quantités sans crever.

La technique consiste à :

  1. repérer la fonction essentielle d’un être ou d’une chose,
  2. optimiser la marche de cette fonction, par tous les moyens.

Application. La fonction de la vache est le lait. On l’a donc trafiquée pour qu’elle en produise de plus en plus. Mais, au fond, pourquoi utiliser une vache ? Bientôt nous saurons concevoir des micro-organismes qui produiront du lait sans vache.

L’Américain pense que le rôle de l’homme est de modeler le monde. Il imagine l’idéal, un idéal infiniment simple (vache = lait), et il le crée dans un mouvement infernal d'essais et erreurs, convaincu qu'au bout du tunnel il y a beaucoup d'argent et la reconnaissance universelle. L’évolution de la génétique ouvre à cet activisme frénétique des horizons inimaginables.

Malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu, petit à petit les tomates n’ont plus rien à voir avec les tomates, le lait n’est plus du lait, et nourrir des herbivores avec les cadavres de leurs congénères en fait des vaches folles…

Réinvention nécessaire

De plus en plus la science ne sert plus les intérêts de la société. Ses innovations prétendent améliorer notre sort, mais souvent elles le dégradent sans que l’on s’en rende compte immédiatement, les effets néfastes étant remis à plus tard.

Cette science a atteint un degré d’avancement qui lui permet d’opérer des transformations colossales, sans en connaître les conséquences à court ou à long terme. Et elle est entre les mains d’individus hyperspécialisés et emmurés dans leurs certitudes, et d’entreprises poussées par la logique du profit immédiat, et qui sont redoutablement efficaces pour parvenir à leurs fins.

Depuis des siècles la science a été sans conscience. Tout ce qui était scientifique était bien, et il fallait pousser la recherche à ses limites. C’est ce modèle que l'humanité doit revoir.

Un Yalta de l’activité humaine ?

Je me demande s'il ne faut pas chercher le renouveau du côté d'une division entre ce qui appartient à la logique du marché, et ce qui doit en être exclu.

  1. Adam Smith a défini cette logique. Le marché produit des produits, c'est-à-dire des biens matériels, éventuellement des services (ce qu'il n'avait pas prévu), dont les caractéristiques et les coûts sont connus - peu d'externalités. Son moteur est l’appétit égoïste, l’irresponsabilité.
  2. Le reste, les activités dont on ne peut pas mesurer les coûts, à risque, comme le génie génétique ou l'énergie nucléaire, est hors marché. Il doit subir, probablement, le contrôle intelligent d’une société démocratique (pas d’un état technocratique et dirigiste).

Compléments :

  • Google Books et la culture française montre à la fois l’efficacité et les dangers de l’économie de marché. Google réussit à monter un projet planétaire, qui est dans l’intérêt collectif, mais qui aurait demandé des décennies de discussions boiteuses aux gouvernements concernés pour aboutir. (Aurait-il abouti ?) Google prend les états, et la société, de vitesse. Le danger de cette efficacité est là : elle désarçonne les mécanismes sociaux de protection de l’individu et de l’humanité. Ce qui peut être bon pour l’entreprise peut être mortel pour la société.
  • Sur les OGM : SERALINI Gilles-Eric, Ces OGM qui changent le monde, Flammarion, 2004.
  • L’édifiante histoire de Monsanto : Le triomphe des OGM, et les dangers d’une science financée par l’entreprise : OGM, science et démocratie.
  • Sur ce que la logique de marché ne s’applique qu’à fort peu de choses : Conseil gratuit. (suite).
  • Repérer la fonction essentielle de quelque chose s'appelle l'analyse de la valeur. Le best seller de Kim et Mauborgne, Blue Ocean, a remis le sujet au goût du jour

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