Le 17 mai 1968, jeune ingénieur, je pris un des derniers trains desservant la ville où je travaillais pour aller passer le week-end chez mes parents. Le dimanche soir, la grève SNCF s’étant généralisée, je me rapprochai de mon usine en autocar avant d’achever le lundi matin le trajet en auto-stop. Juste à temps pour participer à une assemblée générale des cadres, qui devait décider de leur éventuelle participation à la grève des ouvriers. Et là, surprise, avant de procéder au vote, on mit aux voix la proposition suivante : « la minorité se conformera à l’avis de la majorité ». Premier et rude contact avec la démocratie en entreprise !
En effet, trop de gens l’oublient : on ne peut vivre en démocratie sans accepter de se trouver parfois dans la minorité. Mais une fois que l’ensemble des Français s’est prononcé, les élus, quel que soit leur bord, sont les représentants de tous ces citoyens. Le résultat, c’est que lorsque notre Président s’exprime en public comme un charretier (j’espère que cette profession est maintenant disparue, sinon je présente à ses derniers représentants mes excuses pour cette expression raciste), lorsqu’il reçoit avec faste le colonel Kadhafi, lorsqu’il se plie au diktat de la Chine, c’est mon Président et il me déshonore.
Il existe en grec ancien, sur la terre qui a inventé la démocratie, un adjectif sans équivalent dans nos langues modernes et qui signifie « tenu à rendre des comptes ». Que j’ai voté pour lui ou non, Nicolas Sarkozy me représente et j’ai le droit de lui demander des comptes. Et si je critique une déclaration, une attitude, une action de tel ou tel élu, je n’accepte pas que ses défenseurs bottent en touche en m’accusant de polémiquer, d’instrumentaliser ou en me renvoyant des arguments infantiles du style : regardez donc le PS !
Ce que fait le PS ou tel autre parti non au gouvernement ne les regarde pas, cela ne concerne que leurs militants ou partisans. Par contre, ce gouvernement est le gouvernement de la France, mon gouvernement, et j’ai tout à fait le droit de le juger et de le critiquer. Et surtout que l’on ne m’oppose pas l’imbécillité tant entendue : « Sarkozy a été élu sur un programme pour cinq ans, il l’applique et silence dans les rangs ! ». Il a été élu sur un projet mais la nécessité peut mettre ce projet à mal. Georges Bush a été élu fin 1999 mais les attentats du 11 septembre ont nécessairement modifié sa politique. De même, si la crise financière qui a éclaté en septembre 2008 n’a rien changé au programme de Nicolas Sarkozy, c’est dramatique.
L’UMP est au pouvoir, soit. Elle l’exerce et, plutôt que de consacrer tous ses efforts pour assurer une hypothétique réélection de Sarkozy en 2012, où l'on pourrait alors espérer que, débarrassé de ce souci, il se consacrerait enfin à gouverner le pays au lieu de satisfaire son ego et de mener un train de vie princier, à l’empreinte carbone considérable, que cette UMP souveraine s’applique à résoudre nos problèmes : réduire la fracture sociale, n’est-ce pas M. Chirac, vaincre l’insécurité, n’est-ce pas MM. Chirac et Sarkozy, et surtout chercher l’union des Français au lieu de s’évertuer à les diviser.