FILIP NIKOLIC ::: Partir un jour, sans retour.

Publié le 19 septembre 2009 par Gonzai
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Filip Nikolic est mort. Passé un premier instant d'hésitation (quoi ? le bassiste de Nirvana ?), il y a l'émerveillement... Cette bonne vieille faucheuse a réussi à faire ce qu'un rôle dans Brigade Navaro peinait encore à réaliser : donner un nom de famille au leader des 2BE3.

Filip Nikolic est mort, tout le monde semble éprouver le besoin irrépressible d'en parler. Même ton père, à qui, au passage, tu as envie d'adresser de francs remerciements pour t'avoir toujours intredit d'adhérer au fan-club des 2BE3 - le monde est peut-être moins pire comme ça. Et puisqu'il faut bien que tout ça ait du sens, on se dit qu'alors que Roger Hanin pleure celui pour qui il était un peu comme son père,  Filip N. doit être en train de monter un joli trafic avec un certain Michal J., là haut :

- Tu veux quoi ? Halcion, Havlane, Imovane, Ivadal, Mogadon, Noctamide, Normison, Rohypnol ?

- Oh tu sais, moi je suis plus zolpidem que benzodiazépines, depuis que les barbituriques sont passés de mode. Mais oublie ça, on va être en retard pour le cours de danse avec Patrick S.

Là où la filiation avec Bambi coince sérieusement, c'est que personne n'a envie de voir dans la mort de Filip autre chose qu'un accident stupide. Crevé par excès de somnifère (le commissariat de police du huitième arrondissement enquête), voilà un beau cliché mortel de vedette has-been - le genre de mec dont les seuls proches à se manifester dans les médias sont un avocat, et un vague camarade de Je suis une célébrité, sortez-moi de là. Mais, contrairement au frisson de scandale qu'on a tous ressenti à l'annonce de la disparition du roi de la pop, ici, on accepte la nouvelle sans appétit pour le sulfureux, sans curiosité envers le docteur louche à l'origine des prescriptions fatales, sans envie d'entendre le moindre aveu troublant de la part de la famille affligée.

Mort ou vivant, Filip Nikolic n'excite pas l'imaginaire. Un complot mené par Séverine Ferrer pour relancer Fan de ? Un coup bas des Worlds Apart, dont le beau gosse en chef, Nathan, se dit « très choqué » sur son site officiel, tout en reconnaissant que la vieille rivalité que son groupe entretenait avec Filip, Franck et Adel s'effaçait, en coulisse, sous les « poignées de mains et les signes de tête respectueux » ? Sûrement pas. Juste l'accident qui arrive au gars à qui les couinements des préadolescentes manquent parfois, un peu. Un moment de distraction, un cachet de trop, hop, t'es mort. Et les gens découvrent avec étonnement ton patronyme, ton projet d'album solo, d'autobiographie, la pièce de théâtre dans laquelle tu allais jouer. Mais tout ce qui les intéresse, au final, c'est de placer le meilleur jeu de mot vaseux (il est mort dans son sommeil, sans souffrance, ni colique ?), ou de briller dans la conversation en théorisant la dialectique implacable qui emmenait la série Pour être libre : groupe de filles / groupe de garçons / conflit résolu par la danse.

Et toutes les ex-petites filles de 11 ans de songer à ce CD à l'esthétique sobre, musclée et glabre, qui prend la poussière quelque part dans leur chambre d'enfant, sans jamais vraiment envisager de le réécouter. Tout au plus se disent-elles que parmi les effets secondaires de la consommation régulière de somnifères (Filip en prenait « comme tout le monde », apprend-on), on trouve des troubles de la mémoire et disparition du sommeil paradoxal. Il y a comme quelque chose de juste dans l'idée que Filip Nikolic ne rêvait plus, et qu'il n'était donc probablement pas hanté par cette image de lui-même, peignoir blanc sur pectoraux huilés, quand il revenait sur scène pour le dernier rappel et qu'il s'adressait au public en pleine pâmoison suraiguë : Alors, vous m'aimez ?