A l’origine des crashes et de l’effondrement des deux tours du World Trade Center, le réseau terroriste Al-Qaïda emmené par Oussama Ben Laden. Où en est aujourd’hui l’organisation islamiste ?
Un deuxième 11 septembre est-il possible ?
Est-ce qu’Al-Qaïda est encore capable d’organiser un attentat tel que ceux du 11 septembre 2001 dans les mois ou dans les années qui viennent ? « Absolument pas », assure le sociologue Fahrad Khosrokhavar, auteur de Quand Al-Qaïda parle : témoignages derrière les barreaux : « pour faire un phénomène à l’image du 11 septembre, il faut une vingtaine de personnes au minimum. Or, si on dépasse 3 ou 4 personnes, il est extrêmement difficile d’organiser cela sans passer soit par internet, soit par téléphone portable. Et les services de renseignements dans le monde occidental se sont armés pour pouvoir intercepter ces messages. Al-Qaïda peut faire de petits attentats, mais qui ne peuvent pas impliquer un nombre d’activistes allant au-delà de quelques personnes au maximum. »
« Un budget beaucoup plus limité »
Des arguments que confirme Jean-Pierre Filiu, professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, auteur de Les Neufs vie d’Al-Qaïda (à paraître en octobre chez Fayard), qui revient sur la situation financière de l’organisation islamique : « on estime que les attentats du 11 septembre ont coûté un peu moins d’un demi million de dollars. C’était l’époque où Al-Qaïda était à l’apogée de sa puissance, y compris financière. Des réseaux de donateurs, attirés par l’image un peu romantique de Ben Laden. Cette image a complètement été dégradée par tous les attentats, massacres et carnages, donc effectivement c’est une organisation qui vit avec un budget beaucoup plus limité. Mais il faut constater que le coup des attentats est de moins en moins cher. Celui de Londres en juillet 2005 a par exemple coûté moins de 1000 dollars et a été complètement financé localement par des escroqueries à la carte bleue ou tout simplement les économies de djihadistes. »
« Moins attractif, radicalisé et très affaibli »
Fahrad Khosrokhavar est allé à la rencontre d’anciens membres de l’organisation aujourd’hui en prison et explique : « Al-Qaïda n’est plus aussi fort, aussi attractif qu’avant le 11 septembre, pour les jeunes. Par delà le phénomène de répression – les services de renseignements en Europe ont arrêté les recruteurs -, le message d’Al-Qaïda ne passe plus vraiment. On a vu ce qui s’est passé en Afghanistan pour les Talibans ; on ne peut pas dire que ça a été un idéal attrayant pour l’écrasante majorité des jeunes musulmans et musulmanes en Europe. »
Antoine Sfeir, directeur des Cahiers de l’Orient et président du Centre d’études et de réflexions sur le Proche-Orient, auteur du Dictionnaire géopolitique de l’islamisme (Editions Bayard), ajoute : « Al-Qaïda, c’est une marque franchisée. Oussama Ben Laden a réussi son pari de s’implanter un peu partout dans le monde. Mais en même temps, il a échoué, dans la mesure où il cherchait à la fois à recruter et à abattre les frontières entre les musulmans. Or, depuis 3-4 ans, on voit des musulmans se dresser contre Al-Qaïda, ce qui est nouveau. Huit ans après, Al-Qaïda est en même temps radicalisé et très affaibli. »
« Obama, pire que Bush » ?
En novembre 2008, les Américains choisissent Barack Obama comme Président. Une élection qui n’a pas été du goût des dirigeants d’Al-Qaïda, explique Jean-Pierre Filiu : « ils sont restés totalement sous le choc et ont réagi avec une très grande violence, qualifiant Barack Obama de “nègre domestique”. Et on a vu ce désarroi s’accroître quand Barack Obama a décidé la fermeture de Guantanamo. Donc aujourd’hui, Ben Laden et ses adjoints s’efforcent, de manière de moins en moins convaincante, d’expliquer que, non seulement Obama poursuit la même politique que Bush, mais qu’il est même pire. C’est là qu’on voit que le crédit d’Al-Qaïda est en chute libre, puisque toutes ces tentatives, ces vociférations sont largement tombées dans un puits sans fond. »
source RMC