Staline et Jdanov en 1934.
Cette doctrine constitue la réponse des Soviétiques à la doctrine Truman formulée quelques mois plus tôt par le président américain. Jdanov, idéologue du PCUS et fidèle de Staline, énonce la doctrine le 22 septembre 1947 lors de la réunion donnant naissance au Kominfor, à Sklarska Poreba (Pologne).
Elle pose le principe de la division du monde en deux blocs antagonistes.
* D'un côté, Jdanov fustige “le camp impérialiste et antidémocratique” mené par les Etats-Unis qui s'appuient sur des alliés soumis et fidèles qu'il classe en plusieurs catégories:
- les “Etats possesseurs de colonies“, tels que la France, le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays Bas;
- des régimes qu'il qualifie de “réactionnaires antidémocratiques, tels que la Turquie et la Grèce“. Ces pays furent ravagés par des guerres civiles au sortir de la seconde guerre mondiale (opposant organisations communistes et mouvements nationalistes). Ces derniers l'emportent finalement, au grand dam des Soviétiques qui convoitaient la zone des détroits.
- enfin “des pays dépendant politiquement et économiquement des Etats-Unis, tels que le Proche-Orient, l'Amérique du Sud, la Chine” (plus pour longtemps pour cette dernière dans la mesure où le communiste Mao Zedong accède au pouvoir en 1949).
* De l'autre, il loue le camp “anti-impérialiste et antifasciste” formé par “l'URSS et les pays de la nouvelle démocratie” (tellement nouvelle qu'il s'agit en fait de régimes dictatoriaux!). Jdanov affirme plus loin, que le bloc anti-impérialiste peut s'appuyer partout dans le monde sur “le mouvement ouvrier démocratique, sur les partis communistes frères, sur les combattants du mouvement de libération nationale dans les pays coloniaux et dépendants (cf: le Vietnam, l'Indonésie)”.
Naissance du Kominform.
* Jdanov énonce sa doctrine lors de la fondation du Kominform, un organisme de coordination et d'échanges entre les partis communistes du bloc soviétique (en Europe de l'est), auxquels il faut ajouter les partis communistes français et italien, très puissants au sortir de la guerre. Le Kominform a pour mission principale de fixer la tactique des partis communistes dans le contexte de la guerre froide. Concrètement, le Parti Communiste d'Union Soviétique (PCUS) conserve la haute main sur cette instance. Les partis communistes nationaux lui restent absolument soumis et ne bénéficient d'aucune autonomie. Jdanov entend contrecarrer toutes les tendances centrifuges qui pourraient se faire jour au sein du système communiste. Il craint qu'à terme certains dirigeants communistes ne soient tentés de remettre en cause l'autorité suprême de Moscou.
* Le Kominform siège à Belgrade, puis Bucarest (après la rupture entre Staline et Tito, le dirigeant yougoslave). Il édite un journal, Pour une paix durable, pour une démocratie populaire, sorte de guide de formation à l'attention des cadres des partis communistes (édité en 12 langues).
* Plusieurs réunions importantes ponctuent l'existence du Kominform et permettent de suivre les évolutions idéologiques du camp socialiste.
1. Lors de la réunion fondatrice, en 1947, Jdanov y énonce sa doctrine et recadre la stratégie des partis communistes français et italiens, vivement critiqués. On les accusent de jouer le jeu de l'Occident en entretenant des “illusions parlementaires” et de collaborer avec des partis bourgeois, d'avoir minoré le danger américain et de n'avoir pas réussi à prendre le pouvoir au lendemain de la guerre.
La poupée Kominform perd un de ses membres (la Yougoslavie).
2. En juin 1948, la réunion du Kominform entérine l'exclusion du PC yougoslave. La résistance communiste fut extrêmement puissante en Yougoslavie, ce qui lui permit d'arracher seule la victoire, ce que contestent très vite les Soviétiques. Surtout, Tito remet en cause la prééminence de l'Union Soviétique de Staline en Europe de l'est. Dès lors, ce dernier n'a de cesse de vouloir se débarrasser de ce dirigeant rebelle. Tito incarne désormais la figure du traître (remplaçant ainsi Trotski). Le dirigeant yougoslave, de son côté, mène une sévère épuration des cadres liés aux Soviétiques.
3. En novembre 1949, la réunion définit l'idéologie du Mouvement de la paix (qui préfigure l'appel de Stockholm contre la bombe atomique en mars 1950).
Très vite, l'utilité du Kominform est remise en cause par les circonstances. Le décès de Staline en 1953, l'expansion du communisme en Asie (Chine), le premier dégel des relations internationales et la réconciliation des dirigeants soviétiques avec Tito, entraînent la mise en sommeil du Kominform, avant sa dissolution en 1956.
Sources:
- Ph. Buton: “Communisme, une utopie en sursis?”, Larousse, 2001.
- E. Melmoux et D. Mitzinmacker: “Dictionnaire d'histoire contemporaine”, Nathan, 2008.