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Cendres et sang, le premier long métrage de Fanny Ardent comme cinéaste, un drame familial aux élans de tragédie grecque, où soufflent diverses influences dont celles de Sergio Leone, de Francis Ford Coppola et des films russes en général, tourné en Roumanie, s'articule autour des clans et de la vendetta. Au départ - raconte l'actrice devenue metteur en scène - je voyais beaucoup d'hommes vêtus de noir, des maisons méditerranéennes et l'amour de cette terre pour laquelle on peut tuer. Une terre jamais citée, dans une époque indéfinie, où l'innocence - une petite fille sourde que chacun aime - est la victime de deux clans capables de tout pour l'honneur.
La comédienne n'avait jamais ressenti jusqu'alors la réalisation comme un impératif, mais avoue se plaire à raconter des histoires. Et celle-ci s'est imposée à elle qui chérit les climats de tension, voire même de violence. On commence par l'écrire - dit-elle -, après on a envie de finir. Après on veut la corriger. Et enfin l'épurer. Je savais qu'il y avait des scènes sur lesquelles je ne transigerais pas : les rituels - une danse des hommes qui martèlent le sol, coutume albanaise pour protester contre quatre cents ans de domination turque -, les chevaux et les loups. Eux, je voulais vraiment les magnifier. J'ai toujours été pour le loup dans " La chèvre de M. Seguin ". Ysengrin, la barbe !
Fanny Ardent a également stylisé son récit. Privilégié les lignes de fuite. Quand je fais de la photo - observe-t-elle - j'attends toujours que les gens sortent du cadre. Et choisi de confier à Ronit Elkabetz le rôle principal . La mise en scène incarnait une chose trop nouvelle pour que je songe à interpréter le personnage - a-t-elle avoué à des journalistes. Il fallait déjà que mon chef opérateur, Gérard de Battista, traduise mon charabia. Et puis j'imaginais bien Ronit jouer du couteau. Elle possède un physique éternel et la folie du personnage qui, en disant " on n'ira pas" puis "on ira", précipite la tragédie.
Dans Cendres et sang, la violence est partout. Je pars du principe que je suis une privilégiée mais je sais qu'elle m'habite, qu'elle pèse sur moi, comme les eaux sur le barrage de Fréjus avant qu'il ne cède. Toute la vie n'est, au fond, qu'une longue conversation avec elle. Il y a la violence qu'on accepte et celle qu'on nous fait accepter. La justice qui incarne une forme déguisée de la vengeance puisque tout se paie. Les chagrins d'amour et cette phrase terrible : "un de perdu, dix de retrouvés"...
Fanny Ardent - qui n'a pas choisi son nom d'actrice sans raison - avoue d'autre part sa détestation pour toute forme de pensée imposée. Eprise de liberté, elle ne craint pas d'affirmer une personnalité qui a toujours été considérée comme marginale dans la galaxie cinématographique. Son parcours lui ressemble : inclassable. Elle a toujours su imposer et sa voix et son physique et sa propension à un lyrisme qui n'avait pas toujours bonne presse... chez les médias. Aujourd'hui elle entre dans l'univers assez clos des metteurs en scène avec une détermination qui la résume toute entière. Je me décide très vite - dit-elle. Moi, j'ai envie ou pas. Quand on a perdu des gens aimés, qu'on a vécu l'éblouissement de l'enfance, on sait que la vie est courte.
Ainsi Cendre et sang, malgré ses imperfections - une dramatisation souvent exagérée et une musique plutôt crispante - nous révèle-t-il l'univers singulier de cette actrice singulière qui ne manque pas d'inspiration pour raconter des histoires puissantes. Nul doute que l'avenir confirmera ce nouveau talent déjà très prometteur.
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