Kim Stanley Robinson est un auteur américain, titulaire de nombreux prix littéraire dans le domaine de la science-fiction, vient de s'en prendre aux jurés du prix Booker, qui ne récompensent « habituellement que ce qui s'avère être un roman historique ».
Une attitude qui frise « l'ignorance », alors que la SF est aujourd'hui « la meilleure littérature anglaise de tous les temps ». Un roman sur la Première Guerre mondiale, publié aujourd'hui, n'en apprend pas plus que ceux qui sont sortis voilà 70 ans, estime-t-il, citant le livre de Ford Madox Ford, Parade's End. Et surtout, ces livres aujourd'hui font exclure de délibérations des jurés de prix prestigieux comme le Booker ce qui se passe dans l'avant-garde littéraire.
Et citant un courrier d'encouragement reçu par l'auteur Olaf Stapledon, envoyé de la part de Virginia Woolf, Robinson rappelle tout l'intérêt dont la romancière avait fait preuve pour ce qu'elle avait compris du livre qui était juste assez pour l'avoir apprécié. Ainsi, la ghettoïsation de la science-fiction serait un phénomène relativement moderne, alors que la modernité des auteurs comme K. Dick, Herbert ou Asimov n'est sûrement pas, et moins encore de nos jours, à remettre en question.
Selon lui, l'impact des romans de Stapledon sur Woolf fut réel, modifiant même l'écriture de la romancière, qui était tout d'abord sans préjugés. Et d'affirmer que la SF anglaise est entrée dans son âge d'or : des auteurs comme Ken MacLeod, Stephen Baxter, Ian McDonald et Justina Robson écrivent actuellement « la meilleure littérature britannique de l'époque ». Et bien qu'il existe un Booker pour la fiction, aucune Virginia Woolf ne figure dans le jury, aussi jugeront-ils dans la plus totale ignorance.
Le président du Booker a évidemment réagi : certes Robinson marque un point, mais pour Michel Barnier, les traits incendiaires devraient se diriger contre les éditeurs plus que les juges. Après tout, ces derniers ne font qu'évaluer les ouvrages qu'on leur soumet. D'ailleurs, la liste des ouvrages sélectionnés « nous parle de choses qui nous entourent », estime le jury.
En effet, la science-fiction est probablement peu représentée, mais c'est un univers qui s'est refermé sur lui-même : genre comme les autres voilà quelques années, estime John Mullan, autre juré, il est désormais retranché dans des sections particulières des librairies. Ou alors l'a-t-on gentiment retranché loin des regards de ceux qui cherchent les Goncourt et autres Renaudot ?
« Je suis la mauvaise herbe, braves gens, braves gens... »