Hier soir, j'ai expliqué sur mon forum favori où en étaient les vendanges à Tirecul la Gravière. Y pas de raison que vous n'en profitiez pas non plus. En fait, on est toujours dans une phase d'attente, car le raisin est bien mûr, voire très mûr, mais pas pourri. J'en ai évidemment goûté quelques grains, et j'ai été profondément déçu : alors qu'il était excellent il y a 15 jours lorsqu'il était tout juste mûr, il est maintenant un peu lourdingue, trop sucré. Vous n'en mangez pas des grappes entières, je vous le dis !
Au delà du mûr, il y deux possibilités : la première est le passerillage. Le raisin tout simplement se déssèche petit à petit, et le jus se concentre. On se rapproche petit à petit du raisin sec. Cette solution est adoptée avec succès à Jurançon, car les cépages utilisés là bas (le petit et le gros manseng) sont naturellement acides. Vous obtenez donc des vins possédant beaucoup de fraîcheur.
Ce n'est pas vraiment ce que nous recherchons à Monbazillac, car nos cépages sont beaucoup moins acides. Il n'empêche que ça peut arriver. Vous en avez un exemple ci-dessus. Il faut dire que l'été a été chaud, et que les brumes matinales ont tardé à venir...
Depuis début septembre, elles ont commencé à revenir régulièrement, apportant leur juste dose d'humidité. Du coup, un champignon microscopique se met à proliférer : le botrytis. Il perce la peau du raisin afin de se nourrir d'une partie de son sucre (en délaissant les acides) pour s'alimenter et faciliter sa reproduction. Le raisin agressé prend une couleur violacée. La peau étant fragilisée, le raisin ensuite se dessèche.
Pour arriver à une pourriture "noble", il faut une alternance de brumes matinales et d'après midi ensoleillés. On obtient alors ces grains frippés dit "rôtis" qui restent violacés. Mais si le temps reste gris, le botrytis se développe exagérément, le raisin sèche mal, et on obtient de la pourriture grise (et c'est pas terrible...).
Dieu merci, à Tirecul, le micro-climat (proximité de la dordogne + côteaux) fait que tous les ans, le miracle se reproduit, et nous n'avons que du bon pourri ! Les personnes qui voient ces grains rôtis la première fois hésitent à en manger. Donc j'insiste pour qu'ils goûtent. Et là, ils trouvent ça très bon. Le botrytis allié au soleil a réussi à transformer un raisin trop riche en sucre et assez fade en un raisin riche en saveur, pourvu d'une belle acidité compensant parfaitement le sucre.
Cela paraît assez simple de patienter pour arriver à un tel résultat. Il y a toutefois des risques. S'il se met à pleuvoir longuement, l'état sanitaire risque de se dégrader rapidement, et la récolte est mise en danger. Aussi, pas mal de producteurs prennent peu de risque, et ramassent tout d'un coup, dès que le raisin est légèrement botrytisé. C'est un peu juste pour avoir un vin liquoreux. Du coup, ils rajoutent un peu de sucre. Mais obtiennent des vins déséquilibrés, lourds, pâteux. Alors que si l'on fait des tries successives, ne ramassant à chaque fois que des grappes "rôties", vous obtenez des vins, frais, équilibrés, même s'ils contiennent beaucoup de sucre.
Bien sûr, c'est plus de travail. Des rendements plus faibles. Des risques plus élevés. Cela fait donc des vins plus chers. Et le "public" a un peu de mal à comprendre pourquoi sur une même appellation, il y a des vins à 5€ et des vins à 30€, voire plus. Tout simplement parce que les méthodes d'élaboration n'ont strictement rien à voir ! Et leur qualité finale non plus.
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