Amours estivales - 2. bruges

Publié le 19 septembre 2009 par Rl1948

     Il est certes maints lieux par le monde qui valent la peine d'être  connus, et visités. Mais vous comprendrez aisément, ami lecteur, que quand l'opportunité s'en présente, je ne vais pas bouder mon bonheur de vous faire découvrir certains d'entre eux qui se situent en Belgique.
     Si, en ma province de Liège, l'un ou l'autre trésor mérite incontestablement le détour (un jour, très sûrement, je vous y emmènerai ...), je crois qu'à l'évidence, architecturalement  et historiquement parlant, quelques villes du nord du pays, se doivent de faire l'objet d'un séjour pour tous ceux que l'art, sous toutes ses formes, intéresse : 
ainsi, et en passant très vite, ce magasin de dentelles, sur la  superbe Grand-Place de Bruxelles qui fut, le temps d'un exil forcé au milieu du XIXème siècle, la maison dans laquelle vécut Victor Hugo, ne mérite-il pas déjà notre attention ?

     
Et si bien évidemment, je pense plus particulièrement à Bruxelles,  notre capitale, devenue aussi celle de l'Europe, à Gand ou à Anvers, c'est avant tout, et sans hésitation aucune, vers Bruges que vont mes préférences. Avis subjectif, me rétorquerez-vous ? Peut-être, oui. Et là, je n'ai qu'un seul argument, ou plutôt qu'un seul conseil à vous prodiguer : choisissez de venir passer trois jours à Bruges, de découvrir la ville médiévale, à pied, en calèche ou sur les canaux. Ensuite, nous en discuterons ...

     Bruges, et vous l'avez découvert samedi dernier, qui fut le théâtre d'une de mes très grandes émotions amoureuses de ces toutes récentes vacances 2009, représente à mes yeux une ville absolument hors du temps quand on s'octroie le plaisir de la vivre intensément, profondément, quand on souhaite, du regard, la caresser, s'en imprégner, la découvrir autrement : c'est-à-dire en déambulant loin du traditionnel, sempiternel et incontournable circuit touristique des familles qui, à cause des homardisants coups de soleil à répétition qu'elles viennent de stoïquement supporter, juillet oblige, sur les plages de la Mer du Nord, de Dunkerke à  Knokke, en passant par Ostende ou Blankenberge, - en fait, sur les quelques centimètres de sable que les autres familles  tout aussi rubicondes ont consenti, de mauvaise grâce évidemment, à leur concéder, papiers et menus déchets  en prime -, décident de s'offrir une journée à l'intérieur des terres, manière de ne pas mourir idiotes ou de rentrer au bureau bronzées, mais cultivées, et les arpentent au pas de charge, traînant avec eux deux  ou trois "charmantes" petites têtes blondes à qui, déjà, l'eau et le sable manquent affreusement et qui, en guise de point d'orgue à cette bien déroutante obligation familiale, renversent systématiquement en pleurant une des boules - de préférence au chocolat - de l'énorme cornet de glace qu'on leur avait offert pour qu'en réalité ils se taisent ("on ne parle pas la bouche pleine" !) et cessent de regimber.
     Hors du temps ? Hors de notre temps, assurément. La Bruges dans laquelle, après les quelques clichés inévitables, je voudrais aujourd'hui vous emmener, ami lecteur, c'est celle des quartiers excentrés, celle des ruelles médiévales désormais vidées des marchands hanséatiques qui les peuplèrent à l'époque :

car, il ne vous faut point l'ignorer, la ville des nombreux canaux connut dans la seconde moitié du Moyen Âge, aux XIIème et XIIIème siècles notamment, un apogée tel qu'elle devint, pour un temps, la plaque tournante de tout le commerce international qui, descendant de la Baltique, se dirigeait jusqu'en Orient, en cabotant par la Méditerranée.
     Pour un temps seulement : quatre ou cinq cents ans, en fait. Car, au milieu du XVIème siècle, l'heure sonne pour la célèbre cité drapière de passer la main : Anvers qui, profitant de l'inéluctable ensablement freinant, puis stoppant définitivement les activités portuaires de Bruges, deviendra le seul port important où débarqueront désormais les produits de toutes sortes, en ce compris les richesses tout nouvellement découvertes et ramenées des Amériques.
     Mais loin de moi l'idée de tout rejeter sur la seule Nature. Les facteurs économiques et industriels auront également leur incontestable part de responsabilités : ainsi la concurrence de la draperie anglaise, plus moderne, s'opposant alors à nos tissages plus que traditionnels, sonnera le glas d'un artisanat qui avait considérablement permis la puissance économique, partant politique (car, jamais, l'un n'alla sans l'autre !) de la Flandre en général, et de Bruges en particulier. 
     Saviez-vous, ami lecteur, qu'à Bruges, dans cet incontournable carrefour commercial, vinrent s'établir de puissantes familles de banquiers et d'agents de  change (de "changeurs", pour employer le terme de l'époque) ? Que des Lombards y côtoyaient quotidiennement des Florentins ou des Siennois ? Que les Médicis avaient à Bruges pignon sur rue grâce à leur propre banque dirigée par les membres de la célèbre famille des Peruzzi, de Florence ?   
     Saviez-vous, petit coquerico bien légitime au passage, que c'est néanmoins une famille de banquiers du terroir, les Van der Beurze, qui laissèrent leur patronyme à une institution financière que l'on a maintenant coutume d'appeler la Bourse ?
     J'évoquais à l'instant l'Economique, le Politique ...
     Saviez-vous que, suite au mariage de Marguerite de Maele avec Philippe le Hardi, nos régions entrèrent de plain-pied dans le duché de Bourgogne ? Et que c'est à partir de cette époque que les relations commerciales, au départ de Bruges, s'intensifièrent avec cette région viticole; de sorte que, délaissant la voie maritime traditionnelle qui se dirigeait vers la Méditerranée en descendant par les côtes de Gascogne, faisant inévitablement escale à Bordeaux, elles nous permettront désormais de découvrir et d'apprécier de nouveaux et précieux nectars ? Ceux de mes amis proches qui liront ces lignes comprendront combien je suis grandement redevable de cette union, moi qui ne jure que par les crus que l'on déguste en Côte d'Or, de Marsannay à Santenay ... 
     Saviez-vous enfin, que c'est à Bruges, dans l'église Notre-Dame où je tombai amoureux de Marie, que se trouvent les splendides mausolées et les gisants de Charles le Téméraire, quatrième descendant de ce Philippe le Hardi qui vint jusqu'à nous chercher épouse, et de sa fille, Marie de Bourgogne ? 
     Et saviez-vous aussi que ... 
    Non, là je m'arrête. La suite, vous la découvrirez un jour quand, d'aventure, vous déambulerez, ébahi, dans cette ambiance de cité médiévale que Bruges a magistralement pu conserver bien au-delà des siècles ...
  
     Je préfère maintenant, ami lecteur, vous emmener visiter la ville. Je ne m'attarderai pas, je l'ai précisé, sur le centre historique. Pour enfin nous retrouver dans les tranquilles petites ruelles qui fleurent bon le lointain passé, je vous propose de tout de suite quitter la Grand-Place, ses halles et son beffroi,

de traverser le "Burg", cette autre place sur laquelle la façade de l'Hôtel de ville le dispute en dentelles de pierre

avec celle de la Basilique du Saint-Sang :

pour enfin découvrir les quartiers excentrés, loin de la foule : 

où tout n'est que calme et beauté ...

 
harmonie et sérénité ...


esthétisme et tranquillité.
    

     C'est de cette Bruges-là, à l'architecture flamande  si caractéristique 

que j'aimerais qu'un jour, ami lecteur, vous m'écriviez :
     "Tu avais raison de nous conter ton admiration, Richard ! J'y suis allé, et je reviens d'un incomparable voyage dans le temps ..."