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3h10 pour Yuma

Par Tepepa
3h10 pour Yuma
3 :10 to Yuma
Delmer Daves
1957
Avec : Glenn Ford, Van Helfin, Felicia Farr
C’est l’ouest le vrai, avec des vrais paysages du vrai Ouest filmés avec une vraie caméra américaine par un vrai réalisateur américain qui s’est donné la peine de réaliser tous ses westerns entre 1950 et 1959, c'est-à-dire en plein cœur du vrai âge d’or du genre. Autant dire qu’on a intérêt à faire vachement gaffe à ce qu’on va écrire, il n’est pas question de déblatérer sur les habituelles relectures du genre à base de codes retournés comme un gant, ou de déstructuration du mythe annonçant les prémices du western italien ou des années 60, non là on est vraiment au cœur du cœur du classicisme le plus classique possible, auquel on ne peut même pas greffer non plus le moindre soupçon de petite série B fauchée ni la moindre once d’insouciance des serials des années 40. Ici, sans l’ombre d’un accroc, on est dans le nec plus ultra du grand western de série A parmi les meilleurs.
3h10 pour Yuma pourtant, avec son noir et blanc largement dépassé en 1957, malgré les souvenirs d’une réalisation un peu pataude du même Delmer Daves sur La flèche brisée, est empreint d’une vraie modernité dans sa réalisation. La première scène, nous montrant une diligence à l’horizon, prenant le temps de parcourir tout le champ avant de s’approcher du premier plan, la nervosité du montage suivant avec la multiplicité des points de vue, la poussière et ces bandits silencieux qui font qu’on n’est pas sûrs d’avoir bien compris ce qui semble pourtant évident au cocher, tout cela tranche franchement avec même les meilleures séquences de La flèche brisée. Et la suite du hold up avec ses morts absurdes ne vient pas infirmer ce constat. Le scénario, adapté d’une histoire d’Elmore Leonard (mais quel âge a ce mec, ses histoires semblent avoir été adaptées au cinéma depuis la nuit des temps ??), ne se démarque pas vraiment de ceux du Dernier train de Gun Hill ou du Train sifflera trois fois, mais permet une belle progression psychologique entre le fermier qui n’a plus rien à perdre, et le méchant qui ne peut pas être trop méchant parce qu’il est joué par Glenn Ford. Tension à cran donc, où l’on passe son temps à regarder sa montre comme dans La cible humaine, pas parce qu’on s’emmerde, mais parce que l’échéance est là, menace lointaine des bandits que l’on attend, et l’homme, seul ou presque, face à face avec lui-même, avec son courage, aiguillonné on ne sait trop par quoi puisque plus personne à la fin ne lui en voudrait de laisser tomber, ni sa femme, ni ses fils qui l’avaient pourtant aiguillonné au début (« tu ne vas rien faire ?», alors qu’ils assistent, impuissants à l’attaque de la diligence) et qui ont pris conscience qu’il valait mieux un père vivant qu’un père mort en héros. Photographie superbe, avec des ombres immenses qui se couchent à l’infini, langoureuse ballade de Frankie Laine (le chanteur du générique de Rawhide), et toujours cet idéalisme forcené de Delmer Daves, cette foi en l’humain, cette naïveté qui voudrait nous faire croire que les hommes peuvent s’améliorer au contact les uns des autres, alors qu’on sait qu’ils ne savent que s’entretuer. Glenn Ford est formidable dans ce film, en méchant plutôt roublard et séducteur, il faut le voir, magistral, draguer avec succès la fille du saloon, et avec moins de succès (quoique ?) la femme du fermier. Celui-ci est joué par Van Helfin, qui imprime parfaitement à son personnage la détermination de l’honnête homme que la fatigue de la vie n’a pas encore totalement émoussée. Les seconds rôles sont épatants aussi, les bandits ont une classe superbe, avec des ceinturons bien achalandés, Richard Jaeckel (le Shérif dans Pat Garett & Billy the Kid) détonne tellement il est beau, Henry Jones, l’ivrogne qu’on s’attend à voir mettre le héros dans le pétrin, mais qui ne le fait pas, nous gratifie d’une scène assez marrante avec le fils de celui-ci, et enfin Robert Emhardt, le gros propriétaire de la diligence, avec sa gueule à la Blier parvient aussi, en de très courtes apparitions, à dépasser le cliché du patron uniquement soucieux de ses affaires. La pluie finale est tellement surchargée de pathos appuyé qu’on craque et qu’on en a les larmes aux yeux. De la grande série A je vous dis ! Image: Metek sur Western Movies

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