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District 9 de Neill Blomkamp

Par Geouf

District 9 de Neill Blomkamp

USA, Afrique du Sud, 2009
Realisation: Neill Blomkamp
Scenario: Neill Blomkamp, Terri Tatchell
Avec: Sharlto Copley, Jason Cope

Résumé: Johannesburg, Afrique du Sud, dans un futur proche. Un immense vaisseau extraterrestre a débarqué il y a une vingtaine d’années au-dessus de Johannesburg, apparemment sans intentions belliqueuses. Depuis, les créatures vivant dans ce vaisseau ont été parquées dans un bidonville, le District 9. Vingt ans plus tard, les aliens ne sont toujours pas intégrés et sont considérés comme la lie de la société. Le MNU, organisme privé chargé de s’occuper de ces visiteurs, décide de déplacer le camp hors de la ville pour calmer les contestations de plus en plus violentes de la population. C’est lors de cette opération que Wikus van der Merwe (Sharlto Copley), fonctionnaire du MNU, est infecté par un étrange fluide alien. Il ne tarde pas à s’apercevoir qu’il commence à se transformer en alien. Poursuivi par des mercenaires du MNU qui voient en lui le moyen de s’approprier la technologie alien, Wikus n’a pas d’autre choix que de se réfugier dans le District 9…

 

En plus d’être un réalisateur de génie, Peter Jackson est aussi un producteur avisé et engagé, comme il vient de le prouver en parrainant le premier film de Neill Blomkamp. D’abord censé mettre en scène l’adaptation ciné de Halo (le projet ayant capoté pour cause de budget inflationniste), le jeune réalisateur a finalement fait ses premières armes cinématographiques sur un projet original écrit par ses soins, et basé sur un de ses courts métrages. Et grand bien lui en a pris, car District 9 est une petite bombe, un des meilleurs films de SF de ces dernières années.

Porté par une astucieuse campagne publicitaire virale, le premier film de Neill Blomkamp attise la curiosité de la communauté cinéphile depuis déjà plusieurs mois. La crainte majeure était de se retrouver devant un pétard mouillé à la Cloverfield, style documentaire oblige, même si  le nom de Peter Jackson rassurait quelque peu, mais heureusement il n’en est rien. Le paradoxe de District 9, c’est que finalement, il ne propose rien de foncièrement original. L’idée des aliens refugiés sur Terre et mal intégrés provient directement de la série des Futur Immédiat Los Angeles, la lente transformation du héros n’est pas sans rappeler cette de Seth Brundle dans La Mouche (scène de la perte des ongles comprise), les armes aliens sortent tout droit de jeux vidéos comme Halo, etc. Mais ces éléments sont harmonieusement intégrés dans une histoire prenante et ne sentent jamais l’hommage servile ou le plagiat. Blomkamp développe son propre univers, utilisant astucieusement le prétexte de la science-fiction pour parler de problèmes bien actuels.

District 9 de Neill Blomkamp

Le cadre de Johannesburg, outre le fait d’offrir un dépaysement bienvenu (ça nous sort des habituelles villes américaines), permet à Blomkamp de faire ressortir le spectre de l’apartheid et de plaider pour l’ouverture à l’autre. Ce n’est en effet que lorsque Wikus, le héros de l’histoire, se retrouvera infecté par le fluide alien, qu’il sera forcé d’apprendre à connaitre ces créatures qui vivent à ses côtés depuis 20 ans. L’utilisation de la technique du documenteur couplée à des passages de « vrai » cinéma, est aussi particulièrement pertinente, puisqu’elle permet au réalisateur de multiplier les points de vue et surtout de dresser un constat assez troublant de la désinformation de masse véhiculée par les medias. Difficile ainsi de ne pas être choqué par la façon dont la vérité sur la mésaventure de Wikus est brouillée pour exclure le pauvre homme et en faire un paria (on fait croire à la population qu’il a eu des rapports sexuels avec des aliens). District 9 est aussi un brulot mettant le doigt sur le problème de la privatisation de la sécurité des pays, où de grandes multinationales ont tout pouvoir d’agir impunément. Les expériences menées par la MNU, à la fois sur Wikus, mais aussi sur des aliens sont tout simplement révoltantes (difficile de ne pas penser aux expériences nazies sur les juifs).

District 9 de Neill Blomkamp

Grace à tout ce background historique et actuel, Blomkamp reussit d’une part à rendre son univers crédible, et d’autre part à rendre ses aliens attachants. La relation entre Wikus et Christopher, un alien tentant de sauver son peuple, est particulièrement bien développée, et on ne peut que s’attacher à cette créature et à son fils (pour une fois loin du gamin agaçant). Il faut aussi saluer la performance de Sharlto Copley dans le rôle de Wikus van der Merwe. L’acteur est impressionnant, aussi bien dans la peau de ce petit fonctionnaire un peu minable se la jouant devant les cameras, que dans les scènes d’action lorsque Wikus est obligé de rendre coup pour coup. Et pour une fois, on a droit à un personnage ambivalent, certes attachant, mais non dénué de traits de caractère peu recommandables : il est un peu lèche-bottes, lâche (il abandonne Christopher à son sort plus d’une fois), égoïste (il ne pense qu’à lui et à inverser le processus de mutation), ce qui rend son évolution au contact de Christopher d’autant plus forte.

Mais District 9, c’est aussi un formidable film d’action, maitrisé de bout en bout et proposant de nombreux morceaux de bravoure jouissifs, portés par les effets spéciaux parfaits d’Image Engine. Les amateurs de FPS ne pourront que se réjouir de voir enfin une bonne adaptation (certes officieuse) de jeux comme Half Life ou Halo. On retrouve en effet de nombreuses armes typiques de ce genre de jeux, comme un canon à ondes, ou un laser faisant exploser les corps en une gerbe de sang, ou encore une arme permettant de rassembler divers éléments avant de les projeter dans toutes les directions. Visiblement, Blomkamp est fan de jeux vidéo et a eu envie de faire plaisir à son public. Le spectacle, bien que principalement circonscrit à l’intérieur du District 9, est rythmé et trépidant, et on ne s’ennuie pas une seule seconde. On tremble pour Wikus et Christopher (excellente scène de l’exosquelette), on rit souvent (le « cochon tueur ») et on a envie de suivre les personnages jusqu’au bout de leur périple.

District 9 de Neill Blomkamp

Enfin, on saura gré à Blomkamp de ne pas tout expliciter et de laisser certaines zones d’ombre à son histoire (pourquoi les aliens sont-ils venus sur Terre ? Qu’est-il arrive à leur planète ? Pourquoi la plupart d’entre eux ont un niveau intellectuel très bas ?). Et si la porte est ouverte pour une éventuelle séquelle, c’est avec plaisir qu’on retrouvera son univers qui ne demande qu’à être développé plus avant. D’autant que le magnifique dernier plan, d’une portée émotionnelle rare, donne furieusement envie de savoir quel sera le destin des deux protagonistes principaux.

Difficile donc de ne pas adhérer totalement à ce bon morceau de cinéma qui ne prend pas les spectateurs pour des bovins et fait travailler leur cerveau tout en proposant un spectacle jouissif. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maitre…

Note : 9/10


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