Insaisissable et singulier Nicola Matteis

Publié le 18 septembre 2009 par Philippe Delaide
La violoniste Amandine Beyer, à la tête de l'ensemble Gli Incogniti, a eu l'excellente idée d'enregistrer des pièces du compositeur napolitain Nicola Matteis. On sait très peu de choses de ce compositeur, hormis sa réputation d'être un personnage fantasque, assez insaisissable et dont la virtuosité et l'inventivité étaient indéniablement reconnues par ses pairs. A l'écoute de la sélection de quarante pièces opérée par Amandine Beyer et son ensemble, on est tout de suite marqué par la diversité de climats que sa musique peut rendre et la maîtrise formelle des différents styles qui se sont croisés au milieu du XVIème siècle entre les formes françaises, italiennes et anglaises. Sans parler du caractère presque visionnaire de certaines pièces. Entre le le quasi-monteverdien Diverse bizarrerie Sopra la Vecchia Sarabanda ò pur Ciaccona, la Fantasia pour violon seule qui préfigure étonnamment une partita ou sonate de JS Bach, l'Aria malinconica (Adagio) annonçant, avec le style le plus français, un Jean-Philippe Rameau, ou bien la Sarabanda, digne d'une aria d'un opéra de Purcell, ou bien encore les toutes mesures plus que vivaldiennes du Preludio Allegro (Prestissimo), ce compositeur caméléon, absolument visionnaire, incarne une transition singulière entre les mondes de la musique ancienne et du baroque.
Le thème qui préside à cet enregistrement est de toute évidence celui des "fausses consonances" pour reprendre le titre du disque et du livret. Si le monde est supposé être régi par un certain ordre et une harmonie devant s'imposer comme une évidence, pour Nicola Matteis il n'est en absolument pas question. Sa démarche, si l'on peut tenter de l'interpréter, est plutôt guidée par l'invention, l'imprévisible et une imagination continue. En partant d'une trame imposée par la rhétorique de son époque, il part très vite sur les chemins de traverses pour nous emmener avec un charme déroutant dans son monde fantasque et ses "bizarreries" harmoniques et rythmiques. Certes celles-ci restent inscrites dans la cohérence du cadre formel de son époque. Mais dans ces "figures imposées", il démontre un sens de l'invention avec une spontanéité particulièrement rafraichissante.
Sa musique est attachante, sensuelle, avec, pour reprendre les termes mêmes d'Amandine Beyer, quelque chose "d'impalpable" qui fascine. Amandine Beyer traduit avec une finesse certaine, et beaucoup de musicalité, les différentes formes des nombreuses pièces interprétées. Son violon est vif, sans excès de nervosité, avec un subtil une certaine légèreté, une insouciance, un dandisme que l'on pourrait presque qualifier "d"anglo-italien" (!), compte tenu de la personnalité du compositeur. Tout ceci est particulièrement bien vu dans ce registre et ce fameux caractère fantasque,
imprévisible est particulièrement bien rendu.
Amandine Beyer est tombée sous le charme de ce compositeur et c'est plus que palpable sur chacune des pistes de ce disque. Son enthousiasme et son plaisir indéniables à interpréter ces pièces sont plus que communicatifs. A ce tire, ce disque est une belle réussite à saluer. Il nous permet vraiment de découvrir un compositeur atypique et très attachant.

Pour en savoir plus, je vous renvoie à l'excellente interview d'Amandine Beyer que Jean-Christophe Pucek a réalisée sur son blog passée-des-arts.com à propos de ce disque le 27 août dernier.

Sinon, je vous propose dé découvrir la petite vidéo de "teasing" certainement faite par le label et diffusée sur Dailymotion. Le fait qu'Amandine Beyer s'attarde sur la technique d'interprétation supposée de Matteis (tenue plus basse du violon ) prend un caractère finalement anecdotique. Le reste de la vidéo permet tout de même d'écouter des extraits intéressants.


Gli Incogniti

envoyé par vincenthure. - Clip, interview et concert.

Nicola Matteis - False consonances of Melancholy - Ensemble Gli Incognito - direction Amandine Beyer (violoniste) - label Zig Zag Territoires.

Coup de cœur du poisson rêveur.