La Grande Terreur primitive
Et nous voici en 2013, pour être précis le 23 mai 2013... C'est l'Apocalypse... Le chamboulement ultime. La Grande Terreur primitive. Le Psycataclysme. Celui-qui-n'est-pas-nommé, sous la forme de Dragon Rouge, se trouve en pleine possession de ses moyens, s'appuyant sur une armée de junkies, et quelque peu aidé par ce rêve de Bolgenstein, qui détermine tout, en dernière analyse. Face à lui, on a un rassemblement d'Archétypes incarnés — au rang desquels la Dame Blanche (archétype de l'héroïne, qui se fera phagocyter par Dragon Rouge...), le Rock'n'Roll, Legba (dieu vaudou des carrefours), et tant d'autres... — et d'humains — les époux Montaigu, bien entendu, mais également Hiéronimus Bolgenstein, ou Michel Viard, un psychologue ami de ce dernier. Pour ce qui est de l'affrontement final, on ne peut que l'envisager, tant les témoignages sur cette période de l'histoire sont fluctuants — psycataclysme oblige — (et aussi parce que Roland C. Wagner n'en a jamais vraiment parlé directement...). Ce qu'on peut supposer, c'est que Killer, Archétype de la Mort en Marche, devenu Tête-de-Crâne après s'être fait tatouer un crâne sur son visage, a redécouvert son statut d'enfant de la psychosphère, qu'il a affronté Dragon Rouge, en compagnie du Rock'n'Roll, et qu'ensemble ils l'ont vaincu, même si le Rock'n'Roll n'en est pas sorti indemne... « Le Rock'n'Roll a été [dispersé] pendant la Terreur. (...) Je veux dire que ses composantes n'ont pas disparu, mais qu'elles ont été séparées, éparpillées. Imaginez un Archétype comme un ensemble mathématique, né de l'union d'un grand nombre d'ensembles, dont certains appartiennent eux-mêmes à des ensembles plus vastes qui sont d'autres Archétypes... Dans le cas du Rock'n'Roll, disons que l'on a effacé son contour et que ses éléments ont retrouvé leur autonomie. » (Tekrock) Ce on correspondant à Celui-qui-n'est-pas-nommé... Tout ceci se passant dans un décor absurde de collages psychédéliques, puisque bien qu'ayant lieu dans la Réalité Consensuelle, celle-ci vient d'entrer en collision avec la psychosphère... Le seul résumé valable qu'on possède, c'est celui de Michel Viard : « Pour simplifier, je dirai que l'Armaguédon a eu lieu et que le Bien a gagné. » (La Balle du Néant) Aussi, à la fin de la Grande Terreur, chacun regagne sa place, les enfants de la psychosphère en elle, les hommes dans la réalité. Il n'y a guère que le Rock'n'Roll, trop affaibli, et risquant les foudres de Celui-qui-n'est-pas-nommé (dans le cas hypothétique où celui-ci ne serait pas tout à fait mort...), qui reste sur Terre, confié aux bons soins de l'Humanité qui oubliera vite son sauveur... Mais il y a d'autres conséquences...
Les derniers soubresauts de la bête immonde
Les conséquences du Psycataclysme sont multiples. L'une des plus remarquables est l'apparition de la Troisième Tribu... Elle est formée d'humains (aux caractères biologiques précis) (du style, une anomalie sur la huitième paire de chromosomes) qui vont perdre leur nom et leur réalité sociale au sortir de la Terreur. Ils auront encore des souvenirs de leur vie d'avant, fonctionneront très bien dans leur tête... mais ne se souviendront plus du tout de leur nom... Cela ne serait pas si grave, si TOUS les autres humains — leurs proches, les administrations... — ne l'avaient pas oublié aussi... Un peu comme si ces noms avaient été aspirés dans la psychosphère... Leurs descendants, quant à eux, seront appelés la Quatrième Tribu... Pourquoi les différencier de leurs géniteurs ? Tout simplement parce qu'ils développent un pouvoir mutant... Ils sont les homo sapiens superior...
Mais les conséquences de la Terreur ne s'arrêtent pas là ... La Bête est morte, à ce qu'il semble, ce qui a pour autre effet un assagissement considérable des humains... En effet, Celui-qui-n'est-pas-nommé était issu d'eux, mais influait également sur eux. Sa disparition de la psychosphère aurait donc pour effet de retirer du cœur humain cette tendance à la sauvagerie, à la méchanceté, au Mal... Très vite, les guerres disparaissent, les hommes n'étant plus vraiment motivés pour s'entre-tuer. Les gens vont se mettre à s'entraider, à ne plus vivre dans cet esprit de compétition basique avec leur voisin... Enfin, presque tout les gens, car c'est l'époque de l'émergence des Multinationales... Ces entreprises, la Nakimeraï en tête, vont se partager le monde grâce à un nouveau Plan Marshall Post-Terreur... Et rien que cela — l'esprit de Libre-Entreprise, de grand goût pour les possessions et tout ce qui va avec... — aurait dû mettre la puce à l'oreille de ceux qui avaient lutté contre Celui-qui-n'est-pas-nommé... Car, à votre avis, qui est celui qui les inspire ?... Oui. La Bête immonde n'est pas morte, mais tente de se faire oublier quelque temps... Pourtant, elle n'est plus dans la Psychosphère... Elle a simplement trouvé un abri dans notre réalité consensuelle, chez ses plus fervents serviteurs : les chefs de grandes entreprises... C'est alors qu'elle mettra en route plusieurs projets, en vue de retrouver sa puissance et de se venger de ceux qui l'ont exilé ici... L'un de ceux-ci, c'est la création de clones de celui qui a accueilli son esprit lorsque celui-ci fut chassé de la psychosphère... Huit clones pour être précis. Pourquoi huit ? Parce qu'il y a huit multinationales...
Et les années vont passer. Et la fille de Richard et Suzy Montaigu, frappée de millénarisme — c'est ce qu'on dit d'une personne ayant perdu son nom lors de la Terreur — va mettre au monde un garçon, doté du talent de la transparence, et qu'elle appellera Temple Sacré de l'Aube Radieuse (Tem pour les intimes). Ce dernier, après une enfance un peu difficile — comment l'auriez-vous vécu, vous, si ceux qui vous sont chers vous avaient oublié dès que vous sortiez de leur champ de vision ; sans compter ces repas pendant lesquels on ne vous servait pas, ou, bébé, ces couches qu'on ne vous changeait pas... — décide de découvrir le monde, puis finalement de s'installer à son compte comme détective privé, après avoir aidé une aya expérimentale à se faire la malle d'un satellite militaire sous haute surveillance... Sa première enquête (La Balle du Néant) va le faire rencontrer Michel Viard, la deuxième (Les Ravisseurs quantiques) va lui faire croiser le Chien Jaune qui parle, qu'avaient déjà rencontré ses grands-parents, et comprendre un peu la notion de Faisceau Chromatique. Il était logique que lors de sa troisième enquête (L'Odyssée de l'espèce), Celui-qui-n'est-pas-nommé soit son adversaire...
Car Tem a une relation particulière avec Celui-qui-n'est-pas-nommé. En effet, les millénaristes ont une pratique rituelle qu'ils nomment la Fusion — expliquée dans les termes des spéculations hindoues, nous diront qu'ils quittent leur atman, leur âme particulière, pour se fondre dans le brahman, l'âme cosmique, qui revêt chez eux la forme du Millénarisme, leur Archétype tutélaire. Tem, peut-être à cause de son don de Transparence, ne serait pas parvenu à vivre pleinement cette communion, mais serait par contre resté à errer dans la Psychosphère... Jusqu'au jour où il découvrira un univers-île plutôt glauque : celui auquel Hiéronimus Bolgenstein a donné forme... Il verra, tout jeune enfant encore, Killer, avec tous ses attributs de la Mort en Marche, portant sa bien-aimée, morte, dans ses bras. Du coup, Tem sera marqué à vie (on le serait à moins), refusera désormais à participer à la Fusion, mais sera lié involontairement à l'histoire de Killer, autrement dit, à Celui-qui-n'est-pas-nommé... Une lutte s'engage donc entre la Bête Immonde et Tem et ses amis. Ces derniers parviennent in extremis à le bannir de la réalité consensuelle — enfin, ils l'espèrent...
Parce que ce n'est pas fini... Car au moment du bannissement, un petit groupe d'allumés vont se faire une datura-party... Une datura-party, c'est une soirée durant laquelle les participants (cette fois-là les membres d'un courant artistique nommé le Délirium) absorbent du datura, une plante très toxique qui possède des propriétés hallucinogènes et possédant une accointance avec la drogue nommée Dragon Rouge, donc avec Celui-qui-n'est-pas-nommé... Ce qui fait qu'au moment où le groupe mené par Tem réussit à le bannir, il est suscité par les participants à la datura-party... Et comme ce dernier n'aime pas avoir trop de témoins, il va s'ingénier à les faire disparaître un à un... Et devinez à qui va être confiée l'affaire dite de L'Aube incertaine ? Bref, la lutte est encore ouverte, et va même pousser Tem (dans Tekrock) à sauver l'Archétype du Rock'n'Roll des griffes de la Bête, un peu aidé par un Tête-de-Crâne, toujours accompagné par la Marquise et le Baron Roux (redescendu de là haut lors de la Terreur). Mais la Bête a réussi à s'abriter dans un lieu nouvellement découvert : la cybersphère...
Cette cybersphère, c'est le concept de psychosphère appliqué à l'informatique... Parce que tout comme les psychons sont générés par l'esprit humain et filent directement dans la psychosphère, qui devient ainsi le lieu de la mémoire collective humaine, il existerait un nouvel état du quanton qui est généré par l'esprit informatique (les IAs et les ayas — qu'il faut maintenant appeler fantomas) et qui s'agglutinent dans ce qu'il faut bien appeler la mémoire collective informatique, ou cybersphère... Ces particules, découvertes lors de l'enquête menée dans Tøøns, seront donc appelées des... psychons. Ainsi, les quelques dimensions qui restaient en forme de simples possibilités sont maintenant bel et bien existantes, et le modèle cosmologique wagnerien est désormais bouclé. Remarquons une chose : ces deux sphères seraient organisées de manière jumelle, ce qui permet d'établir une série de parallèles intéressants : entre les IAs et les néanderthaliens d'un côté, et entre les fantomas et les homo sapiens sapiens de l'autre. En effet, les deux premiers sont capables de produire des états différents du quanton, mais d'une manière très basique, et presque uniforme. Ce qui aurait pour effet de générer un monde figé, sans bouleversement notable. Par contre, avec les deux suivants, il y a la notion de la pensée qui entre en jeu. Et là, c'est une autre affaire... Ainsi, pour éviter de voir la cybersphère, ce monde quasi vierge, être l'objet de la mutation qu'avait subi la psychosphère, Celui-qui-n'est-pas-nommé considère que la seule solution est de ... faire disparaître les fantomas. Comme la seule dont il ait connaissance est Gloria, cette aya expérimentale amie de Tem depuis qu'il l'a libérée de chez les militaires... il va tout faire pour la tuer ... ce qu'il parviendra à faire, semble-t-il, à la fin de Tøøns. Pour ce qui est de la suite donnée à tout ceci... il nous faut attendre que Roland C. Wagner nous écrive de nouveaux volumes (2)...
Par contre, on sait un peu ce qu'il adviendra de l'Humanité dans un futur beaucoup beaucoup plus lointain... En effet, comme on pouvait le présager après la Nuit de la Lune, l'homme va s'élancer dans les étoiles, pour découvrir d'autres mondes habitables. La première époque de cette exploration spatiale correspond à l'utilisation d'un vitesse infra-luminique. Dans les années 2500-2600, les quelques planètes ainsi découvertes vont se mettre une à une a déclarer leur autonomie. C'est l'heure pour les humains de découvrir que l'espèce humain est capable d'évolutions différentes. Et Océan, la planète dont il est question dans Cette Crédille qui nous ronge, le fera en 2567, mais c'est un siècle plus tard qu'un Envoyé de la Terre découvrira qu'elle possède un champ empathique fort (en d'autre terme, qu'elle possède un équivalent à notre psychosphère terrestre — qu'elle serait l'un de ces Faisceaux chromatiques que Richard Montaigu avait aperçu à la fin de son périple uchronique). Puis enfin, l'homme découvrira l'hyper-propulsion, permettant d'aller plus vite que la lumière. Cette propulsion se base sur la théorie des p-branes et de la vibration de l'univers. L'univers fait des vagues, et plutôt que de suivre sa surface, il va plus vite de passer du haut d'une vague à un autre... Mais tout ceci fragilise la structure même de l'univers, cette vibration, ce Chant du cosmos... Ces deux époques correspondent à deux cycles dans le méta-roman de Roland Wagner. Cependant, ces deux cycles ne possèdent à l'heure actuelle que peu de matériel (un seul roman chacun...) Aussi, nous devons donc arrêter notre balade dans cette ligne de probabilité à ce niveau.
Le Commandant de Bord vous remercie d'avoir effectué ce voyage en notre compagnie, et espère que tout ceci vous a donné envie de lire les œuvres wagnériennes, tvois...
Jérôme Charlet