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Le droit de propriété au secours des plus faibles lors de la récupération d’une prestation sociale versée par erreur (CEDH 15 septembre 2009, Moskal c. Pologne)

Publié le 18 septembre 2009 par Combatsdh

Une mère de famille polonaise a obtenu des services de sécurité sociale une pension de retraite anticipées spécifique (" "EWK" pension ") destinée aux parents d'enfant dont l'état de santé exige des soins constants. Toutefois, un an après la décision d'attribution " indéfiniment valide" - et après que ladite mère de famille ait démissionné de son emploi précédent, une autre décision vint révoquer la première. L'administration de la sécurité sociale (Zakład Ubezpieczeń Społecznych - ZUS) estima, après réexamen des attestations médicales, que l'état de santé de l'enfant ne répondait finalement pas aux critères d'attributions. Si le remboursement des sommes perçues jusqu'à cette nouvelle décision ne fut pas exigé, le versement de la pension fut néanmoins définitivement interrompu. Ce problème n'est pas isolé et a donné lieu au dépôt devant la Cour européenne des droits de l'homme de près de 120 requêtes de ressortissants polonais (§ 28).

La Cour accepte tout d'abord de se placer sur le terrain du droit à la protection de la propriété (Art. 1er du Protocole n° 1) en admettant que la requérante disposait d'un " intérêt substantiel" (§ 46) garanti par ce dernier droit. En effet, si la Cour souligne que la Convention n'exige pas la mise en place d'un système de sécurité sociale, dès lors qu'un Etat décide d'accorder de telles prestations, celles-ci peuvent être qualifiées de biens conventionnellement protégés (§ 38 à 40).

C'est en l'occurrence le cas, car la pension litigieuse fut accordée puis reçue en toute bonne foi par la requérante qui ne pouvait se douter de l'erreur de l'administration (§ 44). Poursuivant son examen, au fond cette fois-ci, la Cour reconnaît que l a décision de retrait de la pension comme une ingérence au sein du droit de propriété (§ 53), ingérence néanmoins prévue par la loi (§ 57) et poursuivant un "intérêt public" - la correction d'une erreur (§ 58).

Plus essentiel est la question de savoir si l'Etat a respecté le principe de proportionnalité en assurant " une balance équitable" entre cet intérêt public et le droit de la requérante (§ 64). A cet égard, les juges strasbourgeois n'hésitent pas à reconnaître l'importance du " principe général" selon lequel les autorités publiques doivent pouvoir corriger leurs erreurs, même issues de négligences, notamment au nom de "la doctrine de l'enrichissement sans cause" (" the doctrine of unjust enrichment "), de la protection des autres contribuables et des deniers publics (§ 73).

Ces éléments sont cependant contrebalancés ici par deux autres séries de considérations. Premièrement, "le "principe de bonne gouvernance" [qui exige que] les autorités publiques agissent avec la plus grande délicatesse, en particulier lorsqu'elles traitent de sujets d'une importance vitale pour les individus, tels que les prestations sociales et les autres droits de propriété" (" [...] the principle of good governance. It is desirable that public authorities act with the utmost scrupulousness, in particular when dealing with matters of vital importance to individuals, such as welfare benefits and other property rights " - § 72).

Deuxièmement, la situation individuelle de la requérante qui a reçu de bonne foi les prestations (§ 68) puis a subi tardivement la correction de l'erreur, notamment après avoir renoncé à son travail (§ 69). Elle fut ainsi placée dans une posture très délicate au regard de son âge et de la situation économique de son région (§ 74), nonobstant l'attribution ultérieure d'une autre pension plus faible. En conséquence, les juges européens considèrent que la requérante "a supporté une charge excessive" (§ 73) et que le juste équilibre exigé par l'article 1er du Protocole n° 1 a ainsi été rompu.

Au terme d'un vote serré (quatre voix contre trois), la Pologne est donc condamnée pour violation du droit à la protection de la propriété (V. l'opinion partiellement dissidente des juges Bratza, Hirvelä et Bianku qui estiment que la suspension de la pension pour l'avenir était conforme à la Convention ).

Moskal c. Pologne (Cour EDH, 4e Sect. 15 septembre 2009, req. n° 10373/05 ) - En anglais

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Actualités droits-libertés du 16 septembre 2009 par Nicolas HERVIEU
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