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Suicides à France Télécom : non aux explications simplistes

Publié le 17 septembre 2009 par Roman Bernard

"Il faudrait peut-être songer à comparer le taux de suicide à France Télécom avec celui de la population française, avant de parler de vague.", écrivis-je hier sur Twitter.

Une observation qui méritait d'être développée : " [D] epuis février 2008, les syndicats ont dénombré 22* suicides de salariés, tous des hommes, pour environ 100 000 salariés en France (dont deux tiers d'hommes). Ce taux est comparable à celui de l'ensemble de la population (17,1 pour 100 000 habitants en 2006, selon l'Inserm), ou à celui des hommes de 35 à 65 ans (entre 30 à 40 pour 100 000). "
( Source)

Il n'y a donc pas plus de " vague " de suicides à France Télécom que dans le reste de la France. Le nombre impressionnant de suicides fait en effet oublier le nombre plus impressionnant encore de salariés, que les journalistes auraient dû citer en premier.

Dès lors, attribuer ces suicides au néo (ou à l'ultra, c'est selon) " libéralisme ", comme le fait ce bon vieux CSP, est nul et non avenu.

D'autant que, comme le rappelait " Théo2toulouse ", un commentateur de La Lime, " le premier actionnaire de FT est ... l'Etat et [...] cette entreprise est encore gérée comme un service public. " L'accusation du libéralisme ne tient pas. Faut-il pour autant en accuser le contraire, l'étatisme ?

C'est ce que n'hésite pas à faire Aurélien Véron, président du Parti libéral-démocrate, dans un billet où il élargit le problème des suicides à France Télécom à celui du taux de suicide en France, qui est parmi les plus élevés au monde.

Si je salue sa juste dénonciation de l'étatisme, qui constitue pour la France une impasse (que Paul Castaing qualifie, concernant le secteur de la musique, de " délirante "), je me garderais bien d'attribuer à un phénomène aussi complexe que le suicide, et auquel le sociologue Émile Durkheim a consacré tout un livre, une responsabilité aussi univoque.

Les causes du suicide sont plutôt à chercher dans un défaut de protection des individus. Non par l'État, omniprésent en France, mais des structures spontanées comme la famille, la religion (les trois principales religions en France, le christianisme, l'islam et le judaïsme condamnent d'ailleurs toutes le suicide), le sentiment national, les corps intermédiaires (partis politiques, syndicats, associations, entreprises, etc.). Ces structures auto-organisées, polycentriques, sont en effet plus à même que l'État d'encadrer l'individu pour lui permettre de trouver à la fois liberté et protection. Le problème, dans le discours libéral en France (assez inaudible comme cela), c'est que l'on insiste beaucoup sur la première et assez peu sur la seconde. Si une société étatisée et socialiste ne peut pas assurer le bonheur des individus, niés et entravés au nom de la collectivité, une société qui ne veillerait qu'à leur liberté, et non à leur protection, verrait ses principes de liberté se retourner contre eux-mêmes. Une société désintégrée, anomique, n'est en effet rien moins que libérale. Il convient donc d'équilibrer ce discours de liberté par un discours de protection, en insistant bien sur le fait que cette protection doit venir de la société civile, et non de l'État. Cela pourrait être l'une des pistes de réflexion d'un programme politique libéral et conservateur.

Roman Bernard

* 23 désormais, donc.


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