A l’occasion de sa sortie en DVD cette semaine, on s’intéresse aujourd’hui à un film très récent mais déjà culte : Watchmen.
Autant le dire tout de suite, Watchmen au cinéma ce n’était pas gagné. Le projet était dans les cartons des studios depuis bien longtemps, mais il faut dire que le comic-book culte d’Alan Moore (V for Vendetta, …) et Dave Gibbons est tout de même considéré comme le plus inadaptable. Et c’est normal étant donné la vision innovante qu’il donne du super-héros et sa construction narrative d’une très grande densité. Plusieurs réalisateurs s’y sont cassés les dents. Même des visionnaires comme Terry Gilliam (Brazil, l’Armée des 12 Singes) et Darren Aronofsky (Requiem for a Dream, the Fountain) on reculé devant l’ambition du projet. Il a fallu un jeune réalisateur assez inconscient et en même temps assez doué pour s’y coller et Zack Snyder l’a fait. Après avoir prouvé son savoir faire sur le remake réussi de Dawn of the Dead et l’adaptation stylée de 300, il était le candidat idéal.
Mais même une fois le film tourné, un dernier rebondissement a fait peur à tous les geeks de la planète. En voyant la bande-annonce très réussie du film, les dirigeants de la Fox venaient d’un coup de se rappeler qu’ils avaient les droits du film au fond d’un tiroir poussiéreux que tout le monde a oublié. Ils voulaient donc avoir leur mot a dire sur le film et récupérer tout les bénéfices que le film allait rapporter ! Quand on connait le résultat artistique des dernières productions de la Fox (X-Men 3, Wolverine, Fantastic Four, DragonBall), il y avait quand même de quoi avoir peur ! Mais heureusement, contre une grosse somme d’argent, Warner, Paramount et Zach Snyder ont pu garder leur film.
Le film, justement, parlons-en. Cette histoire réputée inadaptable se déroule dans les années 80, au sommet de la guerre froide, Nixon a encore remporté les élections, les USA ont gagné la guerre du Viet-Nam grâce à un surhomme (le Dr. Manhattan) et le dernier groupe de super-héros en date, les Watchmen, a été dissous. L’un d’eux vient d’être assassiné et Rorschach va donc enquêter. Il s’agit donc d’une uchronie très dense sur l’histoire de notre monde si des super-héros avaient existé pendant la guerre froide, sur l’implication qu’ils peuvent avoir, les conséquences de leurs actes, leur fonction morale. Ici, les super-héros à la retraite ne sont pas parfaits, assez cinglés pour certains, névrosés pour d’autres et même éloignés pour le plus puissant d’entre eux. Le comic-book, écrit en 1986, est arrivé au bon moment pour changer l’image des super-héros et la manière de les aborder et de les écrire. Aujourd’hui, le film arrive un peu dans le même schéma. Maintenant que nous connaissons tous les films de super-héros classiques comme Superman ou Iron Man, il était temps de voir autre chose. Et donc voici le film Watchmen qui va changer lui aussi la vision du super-héros au cinéma. Chose que le Dark Knight de Nolan a tout de même déjà initiée.
En s’attaquant à Watchmen, Snyder sait que le comic-book est un objet de culte qu’il n’a pas le droit à l’erreur. Le film va donc être la parfaite illustration animée de la BD. Chaque case est fidèlement retranscrite à l’écran, et il en est de même pour les dialogues. On pourrait dire que ce n’est qu’un simple copier-coller de la BD, mais s’en éloigner plus aurait-il été bien vu? On ne le saura pas (à moins qu’un surdoué du cinéma tente un remake dans quelques années). En tout cas, la fidélité à l’œuvre graphique est bien présente. Mais Snyder y apporte tout de même sa touche : plus de violence, de sexe et de ralentis, des passages éludés pour être plus clair et une fin modifée pour être plus compréhensible (il ne faut pas oublier que dans un film de 2h30, on ne peut pas mettre 400 pages de BD, surtout aussi dense que Watchmen, il faut bien faire des choix). Au moins, l’essentiel sur de la réflexion sur le monde et la condition de super-héros est bien là. On pourra également relever plusieurs moments phares qui restent à l’esprit bien longtemps après la vision du film comme le meurtre du Comédien au début du film, le génial générique retraçant l’histoire des Minutemen puis des Watchmen, les origines du Dr. Manhattan, Rorschach en prison.
Pour le film, Zack Snyder a également réuni un casting impressionnant et (presque) parfait. Jackie Earle Haley était le comédien voulu par les fans pour Rorschach et il rempli son rôle de manière assez marquante. Avec ou sans masque, il campe génialement son personnage violent, sans compromis et assez cinglé. Billy Crudup est aussi parfait dans le rôle difficile du Dr Manhattan. En proie au doute, et s’éloignant de plus en plus de l’humanité, son personnage est emprunt d’une grande tristesse. Ce grand gars bleu et tout nu aurait pu être ridicule mais la prestation de Crudup dépasse cela et rend le personnage très dense. Jeffrey Dean Morgan campe bien un Comédien lui aussi cinglé et cynique, à l’inverse de Patrick Wilson et Malin Ackerman qui remplissent bien leurs rôles du Hibou II et du Spectre Soyeux II plutôt normaux à côté des autres mais ils n’en sont que plus proches du spectateur. Seul Matthew Goode fait figure d’erreur de casting. Son Ozymandias manque vraiment de présence et de lumière par rapport au livre. Il fait donc pâle figure à côté des autres comédiens et on ressent donc pas sa menace.
Il faut ajouter également au crédit de Snyder le choix d’une bande-originale géniale, remplie de morceaux d’anthologie, placés parfois très judicieusement (Nat King Cole au début, Dylan pendant le générique, les origines de Dr Manhattan), d’autre fois en complet décalage (le Allelujah de Leonard Cohen pendant la scène de sexe, Boogie Man pendant les émeutes ou la Marche Valkyries). Mais rassembler Jimi Hendrix, Janis Joplin, Philip Glass, Simon & Garfunkel dans un même film, c’est quand même pas mal.
Au final, Malgré des critiques excellentes, le film n’a pas fonctionné comme les studios l’ésperait auprès du public. Mais justement, comme le comic-book, ce n’est pas un film de super-héros pour tous les publics et il peut désarconner ceux qui pensaient voir des super-héros se battre pendant 2h30. Mais par sa fidélité à une oeuvre d’origine réputée inadaptable et un casting de premier choix rendant vivante cette histoire sur grand écran, Snyder, malgré ses imperfections, a réussi un imposer Watchmen comme un film culte dès sa sortie.
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