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Projections (15) Texte en plusieurs parties publié par Arthur Vertrou

Publié le 17 septembre 2009 par Yiannis



Mais comment saisir Milena, dans la confusion de ces quelques mois que vous avez passé ensemble ?

Te la donner à voir au plus proche de celle qu’elle a été ?

Est-possible, d’abord ?

Il faudra bien.

Je crois que Milena ne t’a jamais livré que des parcelles d’elle-même, que tu saisissais… Ton esprit les rassemblant sans jamais y trouver de cohérence.

L’as-tu vraiment connue ?

Ou t’es tu égaré, désorienté, dans un désert de suppositions ?

Comment à présent être juste avec elle ?

Ne pas te laisser emporter par un trop plein de sentiments.

Pourtant…

Il eut suffit d’un rien, dis-tu, pour qu’elle soit amoureuse…

Peut-être l’était-elle… à sa manière !

Tu sais bien comme moi, que Milena ne dit rien, jamais !

Tu sentais tout ça…

Tu la voyais lutter contre son ressenti, s’en aller, revenir, te lancer au visage mille raisonnements… avant que tes lèvres compriment les siennes pour la faire taire.

Le silence, les caresses…

Elle s’éclipsait…

Plus tu courrais, plus elle s’éloignait…

Tu prenais tes distances, la voilà qui revenait !

Alors, la décrire ?

Je ne suis sûr de rien…

Dis-moi… de manière désordonnée…

Mais surtout pense à toi !

Tu sais…

Si tu passes à côté de la vraie Milena, tant pis… là n’est pas ton dessein !

Essaye… d’effleurer la tienne.

Un trait de caractère récurrent, chez Milena. Son irrésistible besoin de fuir la réalité… pour se réfugier, petit oiseau blessé, dans le monde sensible… celui des arts, des idées....

Elle semble tellement fragile…

Il ne faut pas lui parler trop fort… la brusquer, ni la pousser dans ses retranchements… pour la simple raison que… tout est si brutal pour Milena !

Pour rien !

Pour quelque chose qui t’est indifférent… Une phrase d’une de ses amies lors d’une fête quelconque…

Voilà ! Milena se met à pleurer, soudain !

Quand elle vient chez toi, rarement avant la nuit, elle a l’air agitée, en proie à toutes ces contrariétés si redoutables qu’elle a du affronter, combattre toute la journée.

Assise, sur ton canapé, tremblant presque, elle t’en fait part.

Son récit te parait si disproportionné, tu t’amuses de ces petits soucis, tu lui parles doucement, la réconforte et peu à peu tu arrives à la calmer.

Petite fleur de peau… elle s’adoucit.

Prend ses repères, se laisse glisser dans le fauteuil…

Elle se prépare un thé… elle se sent en sécurité ici… sauf, bien, sûr dans ta salle de bain…

C’est drôle.

Pourtant il suffit d’un film… un peu trop violent, pour venir perturber ce fragile équilibre…

Là revoilà qui a les larmes aux yeux et qui se réfugie presque sous ton pull.

Elle sait que ce n’est pas réel, pourtant.

Enfin…

Toi tu aimes la Milena romanesque, délicate, l’enfant…

Mais tu entrevois chez elle quelque chose qui t’agace à présent.

Milena ne prend jamais sur elle, n’essaye jamais d’affronter ce qui lui fait si peur, le monde des adultes!

Petite enfant gâtée, surprotégée par ses parents, intellectuelle bobo, bourgeoise et Protestante, elle n’a jamais vécu pour vivre !

Elle n’a toujours vécu que pour se chercher, en ne faisant que ce qui lui plait.

Tu te rends compte qu’à presque 25 ans elle ne connaît du monde que ce que les livres, la télévision et peut-être son entourage lui en ont compté.

Dans tes bras, elle somnole…

Elle n’a pas de but précis à poursuivre… personne ne l’oblige à rien.

Elle ne sait pas ce qu’elle veut, elle se cherche fiévreusement, touche à tout sans réel plaisir, se rêve artiste sans vraiment savoir dans quel domaine.

Elle se torture.

Son seul ancrage dans la société ?

Ce statut d’étudiante qu’elle traîne sans vraiment s’y retrouver…

Alors, c’est facile, elle pense horriblement, toujours, si bien qu’elle est exsangue de toute action concrète.

C’est comme ça…

Avant d’agir elle cherche la tranquillité de l’esprit…

Elle croit, naïve que le jour où elle sera sûre d’elle, elle agira.

Avec Milena, un pique-nique sur l’herbe, une escapade à la montagne, un dîner en ville sont des moments si complexes à organiser…

Pour qu’ils se réalisent tu dois déployer une myriade de stratagèmes.

Mais n’est-ce pas précisément cela qui, leur donnent un charme si particulier ?

Peut-être ai-je tort ?

Peut-être que Milena est à l’opposé de cette silhouette…

Peut-être que tout simplement elle ne t’aime pas.

Et puis…

Jamais tu ne la sens s’abandonner au plaisir simple d’être avec toi…

D’être là… au bon endroit au bon moment.

Elle a toujours cette propension malheureuse à changer d’humeur à chaque instant, auto analyser en permanence ses sensations, cherchant en vain à conceptualiser l’émotion qu’elle éprouve.

Milena ne se laisse aller…

Tu lui dis !

La rassure, la console, la surprend, la caresse…

Te voilà infiniment tendre…

Tu voudrais la sauver !

La saisir… Car… elle est le miroir, ton miroir et celui de… Ton mal de vivre !

Du moins, c’est ce que tu crois.

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