Sujitha, de Claudine Tissier
Il n'est de moyen plus fort qu'une poignée de main comme acte d'amour, il ne se peut d'émoi plus vif qu'un simple frôlement.Dans le monde qui est le sien, Sujitha a réussi à se cultiver et étudier. L'aube de la trentaine risquant de la reléguer au rang des délaissées, des célibataires, des impures qui restent à vie une charge, elle accepte le mari qui lui est proposé. De plus, une tache en forme d'étoile singularise son visage, preuve de diablerie pour nombre de prétendants, elle ne doit donc pas être trop exigeante. C'est un homme qui n'a d'yeux que pour sa mère et pour qui une femme n'a d'autre fonction que de préparer les repas. Une compagne ne peut s'immiscer entre sa mère et lui.
A force de délaissement, Sujitha découvre les biens-faits de la solitude, le bonheur d'être seule dans sa couche, le réconfort se préserver de trop de souillures par des assauts subits plus que partagés ; par chance elle a un métier dans l'enseignement.
Pour elle c'est là une échappatoire qui lui donne le moyen de se sentir vivre, d'être utile. Pour se rendre à l'école où elle professe, Sujitha monte dans un bus brinqueballant qui hoquette sur les mauvaises routes.
Au volant, un homme attire son regard ; il est beau !
En Inde, les femmes sont vouées à l'époux et sa famille, ne peuvent s'écarter du droit chemin, mais il leur est permis de rêver. Sujitha en profite donc pour laisser vagabonder son imaginaire. L'amour lui est refusé, elle s'en invente un en regardant cet inconnu conduire son car. Les jours passants, elle prend même l'habitude de se placer sur le siège inconfortable du contrôleur de billet, pour mieux voir et être vue de celui qui occupe ses pensées.
C'est un amour des plus purs, car jamais terni de rien. Son esprit vagabonde et lui procure la sérénité relative de se penser aimée en retour ;cela convient presque à son bonheur. Parfois, elle doute de ce personnage si beau qui doit lui aussi avoir une autre vie, une femme et peut-être des enfants. Une pointe de jalousie l'envahit alors, un fiel qui aigrit sa joie de le voir, une gifle qu'elle encaisse en continuant de le regarder…
Un jour de congé, les femmes de sa belle famille décident d'aller en ville manger une spécialité locale. Sortant pour se promener dans la rue, elles sont prises sous un orage comme il est rare d'en voir. Elles courent se mettre chacune sous l'abri que peut constituer un auvent, un porche ou toute autre avancée restée libre. Dans la cohue, chacun pousse l'autre. C'est justement ce que fait un homme, avec un enfant dormant sur son épaule, indifférent à l'averse qui tombe.
L'homme approche de Sujitha, c'est son chauffeur de bus. Il se place à son côté et, le plus normalement du monde, leurs doigts s'effleurent, s'entrecroisent jusqu'à se donner la main comme un couple de toujours. La pluie tombe par sceaux, mais le cœur de ces deux là brûle d'un feu encore inconnu. Lorsque l'averse cesse enfin, l'homme murmure doucement : Adieu mon étoile…
Cette main dans la sienne sera-t-elle sa vie durant la chaleur de l'amour qui, à jamais lui sera refusé ? Décidée à prendre en main son destin, Sujitha demande le divorce…
Voici une petite nouvelle comme je les aime, une histoire d'amour où tout est suggéré, sans exhibitionnisme, sans fausse note et, sans pudibonderie… Un petit livre de ceux que les éditions Filaplomb ont su inventer, petit et bien fait ; un régal à lire.
C'est un petit édiiteur sérieux qui mérite qu'on l'aide, ces nouvelles valent d'être lues, vraiment.
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Source photo : Site de l'auteur
Editeur : Filaplomb