Depuis la naissance de mes filles j’avais cette impression étrange que jamais je ne saurais les soigner…
Quand elles étaient tout bébé, maladie voulait dire chouignements, pleurs, fièvre, médicaments, médecin à voir, bref, stress pour la maman. Quand vous avez deux bébés plus ou moins d’affilée, c’est pareil qu’avec un seul, sauf que c’est en double et pas en même temps, en général, elles se suivent. Donc beaucoup de stress.
A l’époque, le papa rajoutait à ce stress déjà grand. Parce que des petits déjà, c'est balo, mais alors en plus quand ça a la bonne idée de tomber malade, ben c’était encore pire. Donc il se plaignait mais ne m’aidait pas davantage. Il augmentait juste mon stress de façon exponentielle, parce qu’il me demandait, en gros, de tout gérer et encore mieux parce qu’il ne fallait pas qu’il les entende pleurer ou chouigner parce que ça l’agaçait.
Lorsque je suis arrivée ici, c’était pareil, ou presque. Au moment de mon arrivée, ayant les filles à ma charge, j’avais tellement peur de me viander, de ne pas réussir à tout mener de front et devoir « rentrer » que j’avais double de stress. J’avais le stress induit par les événements et se rajoutait la pression que je me mettais toute seule.
La moindre maladie, tout s’effondrait : plus de crèche, plus d’école. Au début n’étant qu’intérimaire, les heures non prestées n’étaient pas payées. La merde. Forcément. Mes filles sont robustes, elles ne tombent malades que lorsque tous les autres le sont aussi. Résultat, pas de garde à domicile de dispo, donc moins d’argent à la fin de la semaine. Trouver d’autres moyens, faire les heures, trouver le temps d’aller à la pharmacie sans leur faire prendre froid davantage, trouver le moyen de les emmener chez le médecin, si possible en dehors des heures de travail et emmener les deux, toujours, même si une seule est malade parce que personne ne peut me garder l'autre. Un vrai tournis. Puis, une fois rentrées à la maison, il y a le bain, les pyjamas, les repas, les machines, le rangement, la vaisselle, les dents, la chanson et les médicaments. Ne pas oublier, ni le sirop, ni les gouttes, ni les gélules à diluer dans le yaourt, le mouchage de l’une, le suppo de l’autre, la fièvre des deux. Une seule tête pour penser à tout. Une seule tête pour ne rien oublier.
Sachant que sur les deux petites filles que j’ai, la petite ne se laisse soigner que depuis cette année, à savoir 3 ans.
Avant, j’ai toujours galéré, impossible de lui donner les sirops, lui mettre des gouttes n’était possible que si je lui bloquais les mains en l’emballant dans une serviette éponge… Et j’en passe… et puis il y a ma simple façon de leur parler. Sous stress, je hausse le ton avec la même rapidité que Lucky Luke dégainant son flingue, plus vite que l’éclair ! Et au lieu de calme, c’était la tempête à la maison… Et la culpabilité au cœur de ne pas savoir faire…
Si l’enfer avait un nom c’était celui-là : virus, microbes, maladie.
J’étais en tension permanente, une boule de nerfs sur pattes, enfin, une Taz. Au bord de la colère parce que frustrée de tout devoir faire seule, sans échec possible. La peur au ventre de rater, de mal les soigner de voir poindre la rechute : le médicament oublié, la fièvre zappée, le suppo non donné, l’oubli du lavage des dents ou du mouchage. Et le pire dans ce rythme effréné c’était trouver du temps pour les câliner, parce qu’on le sait tous, qu’en temps de maladie, les petits ont besoin d’être choyés.
Et moi, ce temps-là, je ne l’avais pas ! Je ne savais pas le prendre, trop en colère, trop tendue, trop nerveuse, comment prendre sa petite sur les genoux et rester sans rien faire, alors que le reste ne se fait pas ? Trop tendue ça n’aurait servi à rien, les filles l’aurait senti ! Alors je zappais ces moments-là ! En sachant très bien qu’elles en avaient besoin. Zapper pour qu’elles n’écopent pas d’un moment raté qui aurait été pire que rien du tout ! Moi, je gérais tant bien que mal toutes les choses à faire, sans liste, avec juste le ressort d’une tête trop pleine de bêtises, d’obligations. De cette perfection que l’on souhaite pour elles et qu’on se retrouve à ne jamais frôler, parce que c’est trop… Et cette pression qui ne redescend pas parce que parfait c’est la bonne mesure. C’est ça ou rien. Et on est toujours en face d’un soi à peu près, jamais abouti…
Et pendant ces 4 dernières années je me suis demandée à chaque maladie si un jour je saurais faire…
Ma petite est malade depuis lundi soir. Je suis allée la récupérer à l’école, elle était à califourchon sur les genoux d’une nounou, allongée contre elle qui lui caressait les cheveux avec douceur. Et je l’ai prise, petit animal prostré. Elle était froide et ses yeux presque éteints ne disaient qu’une seule chose : « dormir, maman »… Nous sommes vite rentrées, je l’ai mise en pyjama et installée dans son lit.
Pendant ce temps, dans ma tête, le tourbillon des choses à organiser, des coups de fil à passer. Trouver la garde d’enfants malade à domicile. Téléphoner. Nouvelle règle : un certificat médical est indispensable avant d’obtenir une nounou. Appeler le médecin, se rajouter à la liste des visites à domicile le lendemain matin… Ne pas oublier de prévenir l’école, le système des repas chauds, de l’absence de ma petite. Amener et gérer la grande normalement pour l’école, emmener la petite fiévreuse avec nous parce que personne ne peut me la garder au chaud en attendant…
Bref, le tourbillon infini des choses à gérer !
Mais dans tout ce tournis il y a une différence de taille entre les 4 dernières années et aujourd’hui…
J’ai appris à dissocier.
Je ne fais plus entrer mes filles dans mon stress. Ce sont deux choses bien à part. Il y a mes filles, parfois malades, souvent en forme, et il y a mon organisation. Il y a la maman et il y a l’assistante. Et je ne mêle plus les deux. J’arrive à parler avec douceur à ma fille, alors que je n’ai pas solutionné la nounou du lendemain… Je peux donner un câlin même si je suis pressée, je pense aux médicaments et tant pis si le repas ne se termine pas sur un fruit, ou tant pis si la douche saute un soir.
Je ne suis pas une maman parfaite, je ne le serai jamais.
Tout ce qui compte c’est de parvenir à faire de mon mieux sans oublier l’essentiel. C’est une maman dont elles ont besoin, pas d’une Wonder Woman de la démerde. Que je suis pourtant, hein, que les choses soient claires... Puis de toute façon, Wonder Woman, elle se caillerait le derche avec sa tenue de pompom girl en Belgique ;o)
J’ai dissocié et j’ai trouvé l’essentiel, dans cette vie de m* de maman "plus si solo, mais encore un peu".
Et vous savez quoi ?
C’est un pied infini et je suis fière de moi !