Fin avril 2009, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) annonçait qu’un nouveau virus de la grippe A avait fait son apparition aux États-Unis : cette nouvelle souche A/H1N1v 2009, n’avait jamais circulé précédemment chez l’homme. Le lendemain, le Mexique publiait le bilan alarmant d’une épidémie liée au même virus. Le 11 juin, en raison de sa rapide propagation, l’OMS relevait le niveau d’alerte de la phase 5 à 6, signant le début de la pandémie. Une « drôle de guerre » débute alors mobilisant pouvoirs publics, experts et professionnels de santé, relayée par des médias d’emblée très alarmistes. Il ne fait aucun doute que le virus possède un large potentiel pandémique, mais force est de reconnaitre que l’immense majorité des cas se révèlent être relativement bénins. En même temps, la survenue d’un petit nombre de formes graves et de décès, chez des personnes plutôt jeunes, inquiète à juste titre. La France prépare son plan de résistance et l’opinion s’interroge : en fait-on trop, pas assez, au bon moment ?
L’Institut de veille sanitaire (InVS) constate en métropole « la progression régulière du nombre de personnes atteintes », ayant justifié certaines fermeture d’écoles et de crèches par mesure de précaution. L’objectif poursuivi par les pouvoirs publics est celui dit d’“atténuation”du pic de l’épidémie. Il a pour but de ralentir la transmission du virus et d’éviter la surcharge du système de soins, qui doit rester opérationnel pour prendre en charge les cas graves.
Au XXe siècle, on a dénombré trois pandémies grippales. En 1918-1919, la pandémie de la “grippe espagnole” (virus A/ H1N1) a fait 40 millions de morts selon l’OMS. Les pandémies suivantes ont été beaucoup moins sévères : en 1957-58, la “grippe asiatique” (virus A/H2N2) et en 1968-69, la “grippe de Hong-Kong” (virus A/H3N2). Le virus de la nouvelle grippe A(H1N1) résulte de phénomènes de recombinaisons à partir de virus porcin, humain et aviaire se révélant être transmissible d’homme à homme. La transmission du virus se fait principalement par voie aérienne mais peut également être manu portée.
Les symptômes comprennent un syndrome respiratoire aigu brutal (toux, écoulement nasal, plus rarement dyspnée) accompagné de signes généraux, fièvre > 38° ou courbature ou asthénie. La contagiosité débute 24 à 48 heures avant le début des signes et peut persister jusqu’à 7 jours, nécessitant l’isolement respiratoire de la personne pendant toute cette durée.
À ce jour, il existe peu de données sur les facteurs de risque, les cas graves et de décès associés à la grippe A/H1N1v. L’estimation et l’interprétation des taux de mortalité sont délicates, principalement en raison de la difficulté d’une estimation précise, du nombre de décès liés et du nombre total de cas avérés. En outre, de nombreux pays ont abandonné le recensement systématique des cas suspects.
Les personnes âgées semblent être relativement protégées de l’infection, en raison d’une exposition antérieure à des souches apparentées à la grippe A/H1N1v. Ce sont les enfants et les adultes de 20 à 40 ans, n’ayant pas d’immunité protectrice, qui sont les principales cibles du virus. La mortalité associée à la grippe comprend trois causes principales : une décompensation de pathologies sous-jacentes, une surinfection pulmonaire bactérienne (le plus souvent à pneumocoques) ou une origine virale directe, conduisant à une pneumonie et un syndrome de détresse respiratoire aiguë. Ces complications surviennent essentiellement sur un terrain débilité comme une immunodépression, une maladie chronique (insuffisance respiratoire, cardiaque, rénale, diabète…) une obésité ou chez les sujets à risque (nourrisson, femmes enceintes). Selon les données disponibles en septembre 2009, le taux global de mortalité est estimé à 1 à 4 personnes pour 1000 malades, selon les pays. Le bilan global publié par l’OMS fin août 2009 rapporte un nombre total de décès dans le monde d’au moins 2185 personnes, la plupart des formes graves et des décès étant survenus chez des sujets de moins de 60 ans. Environ un tiers des décès serait survenu chez des sujets sans co-morbidité associée. En comparaison, la mortalité imputable à la grippe saisonnière est évaluée, en France, à environ 4000 à 6000 décès chaque année, concernant essentiellement les sujets âgés de plus de 65 ans.
PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
Devant des signes grippaux, il est actuellement recommandé d’orienter le patient vers la consultation de son médecin traitant.
• Si l’examen ne retrouve pas de signe de gravité ni de facteur de risque de complication, il est prescrit un traitement symptomatique sans traitement antiviral systématique ni examen complémentaire, le port de masque antiprojections, le repos à domicile accompagné de recommandations d’isolement jusqu’à la fin des symptômes grippaux. En cas d’aggravation, les patients doivent contacter le centre 15 pour une réévaluation de leur situation.
• En cas de facteur de risque de complication, la prescription comporte un traitement antiviral d’oseltamivir (Tamiflu®) ou de zanamivir (Relenza®) administré de manière optimale dans les 48 heures suivant l’apparition des symptômes. Le médecin traitant devra s’attacher à rechercher l’exposition d’une personne à risque accru de complication dans l’entourage du cas afin de le faire bénéficier si nécessaire d’une chimioprophylaxie antivirale.
• Si l’examen médical révèle un signe de gravité, le patient est adressé vers une consultation hospitalière spécifique “grippe” où un prélèvement naso-pharyngé sera réalisé avant mise sous traitement antiviral. Il est effectué uniquement dans le cadre hospitalier, à l’aide des dispositifs prévus et adressé à température ambiante aux laboratoires L2 labellisés “grippe” sous triple emballage. En cas de test positif, le laboratoire L2 adresse le prélèvement au CNR de Paris ou de Lyon pour confirmation.
• Les antiviraux atténuent les symptômes, réduisent la durée de la maladie et limitent le risque d’une forme grave ou de décès. Le virus de la grippe A/H1N1v est sensible à l’oseltamivir (Tamiflu®) et au zanamivir (Relenza®), bien que des cas de résistance au Tamiflu® commencent à être rapportés. En raison de la bénignité de la maladie à ce stade de la pandémie et de l’importance du nombre de cas, les traitements antiviraux doivent être réservés aux seules formes sévères ou survenant sur des terrains à risque. Son utilisation repose sur un fragile équilibre entre le bénéfice lié au ralentissement de la circulation du virus dans la population et le risque d’apparition de résistance.
VACCINATION
Afin d’assurer une protection efficace de sa population, la France a acquis 94 millions de doses de vaccins auprès de quatre laboratoires différents : GlaxoSmithKline, Sanofi-Pasteur, Novartis et Baxter, qui proposeront des vaccins inactivés, avec et sans adjuvants. Les premières vaccinations volontaires et gratuites contre la grippe A/H1N1v pourraient intervenir dès la mi-octobre, dès l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du vaccin. Le schéma de vaccination devrait comporter l’administration de deux doses de vaccin espacées de 21 jours afin de permettre l’induction de la réponse immunitaire au cours de la 1ère semaine et l’amplification nécessaire des effecteurs immuns pour atteindre un pic au cours des 2e et 3e semaines. Le New England Journal of Medicine a publié mi septembre les résultats de deux études menés sur des volontaires sains. Les données préliminaires sur l’immunogénicité du vaccin monovalent A/H1N1v 2009 montrent qu’une stratégie fondée sur une injection unique d’un vaccin adjuvé ou non pourrait être compatible avec une immunogénicité satisfaisante.
Une polémique concerne le risque de survenue du syndrome de Guillain-Barré (SGB), trouble aigu auto-immun affectant le système nerveux consécutif aux vaccinations mais aussi à des infections virales, comme la grippe. La vaccination de masse contre la grippe porcine lancée aux États-Unis en 1976 a été en effet associée à une augmentation de SGB (1 à 3 cas supplémentaires par 100 000 personnes vaccinées). Deux hypothèses ont été évoquées : un effet inducteur de SGB de la souche influenza de 1976 ou une contamination bactérienne des œufs utilisés dans la production des vaccins en urgence. Des études sont actuellement en cours afin de préciser la tolérance du vaccin. La balance bénéfice-risque de la vaccination fera l’objet de réévaluations périodiques et rapprochées, comme le précise dans son rapport le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Le HCSP a émis mi septembre un avis officiel sur les objectifs de la vaccination anti grippe A. Il couvre l’ensemble de la population française mais propose une hiérarchisation des priorités. Les personnes se classant au rang 1 des priorités (sur 5 niveaux) sont les personnels médicaux, les femmes enceintes (à partir du 2ème semestre), l’entourage des enfants de moins de six mois, les enfants âgés de 6 à 23 mois atteints de maladies chroniques sévères. La vaccination contre la grippe A/H1N1v ne dispense pas de vacciner contre la grippe saisonnière les sujets âgés ou à risques. Il n’y aura a priori aucune contre-indication à recevoir les deux vaccins, qui ne pourront toutefois pas être administrés en même temps, les risques d’interférence n’étant pas connus.
A ce jour, aucun expert ne dispose d’éléments permettant d’évaluer l’impact précis de cette pandémie sur la population, que ce soit l’impact sanitaire ou socio-économique, ni le moment où les vagues successives vont survenir et encore moins de préjuger des capacités mutationnelles du virus A/H1N1v. Le défi va résider dans la capacité à utiliser nos ressources sanitaires et économiques de façon adaptée et mesurée, en réservant les moyens les plus importants aux phases les plus sévères de la pandémie. Les recommandations rapportées dans cet article étant largement susceptibles d’évoluer, les professionnels de santé sont invités à consulter régulièrement les sites d’information mis à leur disposition.
Sources
Grog.org/grippe_porcine.html InVS http://www.invs.santé.fr Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire BEH-Web Site du HCSP http://www.hcsp.fr