Dinosaur Jr - Farm (2009)

Publié le 16 septembre 2009 par Oreilles
J'ai eu beau, cet été, charger mon Ipod de plusieurs millions de titres, comme je le fais chaque fois que je m'éloigne un peu trop longtemps de ma chère platine, je n'ai guère écouté que cet album en boucle quasi continue. Fidèle à une esthétique définie dès le premier album (Dinosaur) et parvenue à sa pleine expression avec l'excellent deuxième (You're living all over me), Jay Mascis nous livre un ensemble continûment mélodique et impeccablement écrit, qui ravira les amateurs de chansons les plus exigeants (nous pensons au distingué Nicolas Ungemuth qui nous a expliqué, dans un récent Rock and folk, qu'en dehors du format chanson point de salut). Par delà le clash qui avait semblé précipiter tristement la disparition de nos antédiluviens dinosaures, après le troisième album Bug, Dinosaur Jr nous revient et nous touche toujours autant par ce mélange d'indolence, de bruit et de mélodies tristes.
Jay Mascis c'est Hendrix avec deux de tension. Et avec l'âge, cette nonchalance jem'enfoutiste n'a fait que s'accentuer. Il n' y a guère que "Over it" qui s'énerve un peu et renoue avec cet art maîtrisé de la guitare pyrotechnique, qui nous ravissait dans You're living all over me. Les intro au lance flamme, à la manière de celle de "Little Fury thing", les envies de beuglade hardcore, ont laissé la place aux mid tempo, à une voix éclaircie, sans doute mieux mixée que par le passé, mais toujours aussi délicieusement traînante, voir un brin souffreteuse. Une sorte de relâchement de tout l'être, d'abaissement de la tension nerveuse. Dinosaur Jr c'est une éthique de la décontraction, le cool et la branlitude comme Souverains Biens, une manière de dire merde à tous les drogués de l'effort et de la compétition, à tous les solos teigneux et galopants à la Iron Maiden (zzzzz...). Un style qui trahit parfois aussi une fragilité certaine, qui n'a pas honte de se dire, doute amoureux comme dans "Plans" (" Do you have some plans for me ?") Mais aussi égarement de l'âme, paumage existentiel, dislocation du sujet, comme dans la bien nommée "Pieces". Car sous le masque du branleur hédoniste et écolo, il y a une âme qui n'est pas toujours sereine.
Après cinq albums, toujours pas l'ombre d'un commencement de rock progressif, ou de bidouillages électroniques. Les guitares, souveraines, installent la tension du morceau, accompagnent le chant, toujours en contrepoint, soliloquent parfois, et concertent souvent avec la voix.
On a beau me dire que c'est pour le fric, j'aime bien les groupes qui se reforment. Surtout ceux qui n'ont rien concédé à personne. Ca me donne un sentiment d'éternité. La pochette laisse sourdre une légère angoisse en même temps qu'un soupçon d'utopie : des arbres géants transportent des enfants en traversant des mégalopoles pollués. De la pochette du premier album à celle du dernier, le bucolique a du migrer vers les hauteurs, le monde est devenu carrément irrespirable. La grande internationale des branleurs sauvera le monde.
Slackers de tous les pays unissez-vous !
En bref : Confirmation du retour réussi d'un des groupes clé du rock indé américain. Avec le temps, le gros son éclaboussé, la gratouille post-adolescente, le chant faux et paresseux se conjuguent de mieux en mieux avec une pleine musicalité.

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