Jay Mascis c'est Hendrix avec deux de tension. Et avec l'âge, cette nonchalance jem'enfoutiste n'a fait que s'accentuer. Il n' y a guère que "Over it" qui s'énerve un peu et renoue avec cet art maîtrisé de la guitare pyrotechnique, qui nous ravissait dans You're living all over me. Les intro au lance flamme, à la manière de celle de "Little Fury thing", les envies de beuglade hardcore, ont laissé la place aux mid tempo, à une voix éclaircie, sans doute mieux mixée que par le passé, mais toujours aussi délicieusement traînante, voir un brin souffreteuse. Une sorte de relâchement de tout l'être, d'abaissement de la tension nerveuse. Dinosaur Jr c'est une éthique de la décontraction, le cool et la branlitude comme Souverains Biens, une manière de dire merde à tous les drogués de l'effort et de la compétition, à tous les solos teigneux et galopants à la Iron Maiden (zzzzz...). Un style qui trahit parfois aussi une fragilité certaine, qui n'a pas honte de se dire, doute amoureux comme dans "Plans" (" Do you have some plans for me ?") Mais aussi égarement de l'âme, paumage existentiel, dislocation du sujet, comme dans la bien nommée "Pieces". Car sous le masque du branleur hédoniste et écolo, il y a une âme qui n'est pas toujours sereine.
Après cinq albums, toujours pas l'ombre d'un commencement de rock progressif, ou de bidouillages électroniques. Les guitares, souveraines, installent la tension du morceau, accompagnent le chant, toujours en contrepoint, soliloquent parfois, et concertent souvent avec la voix.
On a beau me dire que c'est pour le fric, j'aime bien les groupes qui se reforment. Surtout ceux qui n'ont rien concédé à personne. Ca me donne un sentiment d'éternité. La pochette laisse sourdre une légère angoisse en même temps qu'un soupçon d'utopie : des arbres géants transportent des enfants en traversant des mégalopoles pollués. De la pochette du premier album à celle du dernier, le bucolique a du migrer vers les hauteurs, le monde est devenu carrément irrespirable. La grande internationale des branleurs sauvera le monde.
Slackers de tous les pays unissez-vous !
En bref : Confirmation du retour réussi d'un des groupes clé du rock indé américain. Avec le temps, le gros son éclaboussé, la gratouille post-adolescente, le chant faux et paresseux se conjuguent de mieux en mieux avec une pleine musicalité.
Le myspace