En catimini, dans le secret des cabinets ministériels, le gouvernement s'apprête à supprimer le poste de défenseur des enfants, avec la mise en place d'une nouvelle instance de défense des droits. Dominique Versini, actuelle Défenseur des enfants, n’a été ni consultée ni même informée sur cette nouvelle manifestation de « maltraitance institutionnelle ». On pourrait plutôt parler de brutalité institutionnelle, bien dans la ligne de la lourde méfiance envers les mineurs entretenue par ce gouvernement ; on n’a pas oublié par exemple les attaques contre la justice des mineurs. Ces derniers temps, la défenseure était notamment intervenue sur la question des enfants en bas âge détenus dans les centres de rétention. Cette décision intervient alors que se prépare le 20e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant.
La Défenseure des enfants considère que cette nouvelle organisation va affaiblir la mission de défense et de promotion des droits de l’enfant. Il est évident que les enfants (mais aussi leurs parents) ne s’adresseront pas aussi facilement à un Défenseur des droits qui n’aura pas une compétence visible et spécialisée pour les enfants. Les modèles européens auxquels fait référence le projet de loi prévoient sous une forme ou sous une autre un Défenseur des enfants en tant que structure distincte ou adjointe du Médiateur général.
En matière de défense des droits de l’enfant le projet de loi marque un recul par rapport à la loi du 6 mars 2000 qui a confié au Défenseur des enfants la mission de défendre tous les droits fondamentaux des enfants consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, et notamment la Convention internationale des droits de l’enfant à laquelle il n’est à aucun moment fait référence dans le projet.
Cela ne pourra qu’entraîner une réduction des interventions que la Défenseure des enfants est amenée à faire régulièrement auprès des pouvoirs publics en faveur d’enfants qui vivent des situations qui ne sont pas formellement interdites dans le droit français mais qui sont contraires à leur intérêt supérieur au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant : par exemple, la présence d’enfants dans les Centres de rétention administrative, le traitement des mineurs étrangers isolés, l’accès aux soins des enfants de Mayotte, ... C’est donc l’Autorité morale et la force d’interpellation de la Défenseure des enfants à travers ses interventions et avis qui sont réduites.
Le projet de loi ne prévoit rien sur le maintien de la mission de promotion des droits de l’enfant qui est affirmé dans l’article 5 de la loi du 6 mars 2000. A juste titre, Dominique Versini rappelle que l’apport du Défenseur des enfants dépasse le traitement des réclamations et s’inscrit dans une réflexion de société sur les grandes questions concernant les enfants. En 3 ans elle a fait des propositions de réformes législatives sur des questions de société reprises par le Gouvernement (le statut des tiers beaux-parents, la situation des enfants dans les séparations parentales conflictuelles,...), des propositions d’améliorations de politiques publiques (le rapport sur les Adolescents en souffrance mis en application par la ministre de la Santé a entraîné la multiplication des Maisons des adolescents et des équipes mobiles de pédopsychiatrie), des recommandations relatives aux mineurs étrangers isolés, aux tests ADN, et à la justice des mineurs.
L’Institution du Défenseur des enfants contribue à porter la parole des enfants au plus haut niveau de l’Etat. En 2009, a été réalisée une grande consultation nationale donnant la parole aux collégiens et lycéens sur 10 sujets qui les concernent (famille, éducation, discriminations, violences, justice, handicap, santé, expression et la participation ...). Leurs 200 propositions, rassemblées dans un livre d’or de la parole des jeunes et destinées au Président de la République et au Parlement, seront rendues publiques par leurs porte-parole à la Sorbonne le 20 novembre 2009. Une occasion d'interpeller le chef de l'Etat.