Stop ou encore. C’est donc encore. Sans grand suspens, José Manuel Barroso a été reconduit ce mercredi 16 septembre dans sa fonction de président de la Commission européenne à l’issue d’une fastidieuse campagne électorale. Symbole des hoquetements d’une institution qui se vante d’être démocratique, le candidat portugais était seul en lice. Dans le mélange des genres le plus complet, Barroso si décrié hier, était devenu le candidat de tous les camps à l’exception des Verts et de la gauche radicale. Compromis ou compromission, les sociaux-démocrates auront été incapables de présenter une alternative à un chantre du libéralisme dont les seules convictions sont les canons d’un marché libre et non faussé.
Un coup à gauche un coup à droite Barroso est un adepte de la godille, politiquement habile, toujours apte à trouver les mots attendus par ses interlocuteurs. Afin de s’assurer les voix des députés de gauche l’ancien Premier ministre portugais avait promis hier de “combattre le dumping social“. Après tout, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent comme disait un certain Jacques Chirac.
A l’image de l’UE, José Manuel Barroso n’était pas un candidat d’adhésion mais du consensus mou. Son bilan est plus que controversé, il est calamiteux notamment au regard de la gestion de la crise financière, compte-tenu et de son refus constant d’un renforcement de la régulation financière. “On ne vous fait pas confiance, car vous êtes le produit d’une idéologie qui est responsable de la crise” lui a ainsi lancé Daniel Cohn-Bendit hier en pleine assemblée plénière.
Au final, les eurodéputés se seront contentés d’adresser un simple avertissement au président de la Commission. Il voulait être reconduit dés juillet, il aura du attendre septembre. Dans l’intervalle José Manuel Barroso a fait allégeance. Il a rédigé une feuille de route sur 5 ans. Plus qu’un programme cohérent, le président-candidat a rédigé un catalogue à la Prévert d’une cinquantaine de pages, compilation d’orientations générales donnant satisfaction à toutes les sensibilités.
Logiquement soutenu par les libéraux et les conservateurs, Barroso ne s’est pas vu barrer la route par des socialistes trés divisés notamment depuis que sept gouvernements européens progressistes ont fait part de leur soutien au Portugais. Sans attendre, les 28 socialistes portugais et espagnols avaient pris les devant en expliquant que, solidarité ibérique oblige, ils voteraient Barroso. Tout aussi bienveillant, mardi soir par 93 voix contre 45 le groupe des socialistes et démocrates avait courageusement fait le choix de l’abstention. Seuls les Verts (55 élus) et la gauche radicale (35 élus) avaient prévenu qu’ils voteraient contre.
Comme le rappelle Libération, dans le système du traité de Nice, s’abstenir revient en fait à voter pour, seules les voix exprimées étant comptabilisées. Le choix des socialistes européens n’est pas un hasard. Leur leader, Martin Schulz a en fait négocié en sous-main à son bénéfice la présidence tournante du Parlement. En échange du non blocage de la reconduction de Barroso, il a habilement obtenu le soutien du premier groupe du Parlement, le PPE (conservateurs et démocrates-chrétiens), pour être élu en seconde partie de mandature, président du Parlement européen. Bénéfice direct pour le leader socialiste mais pas seulement. Sa famille politique devrait glaner dans l’arrangement des postes importants dans la prochaine Commission.
Dans ce big deal qui offre une piteuse image de nos institutions européennes, restait à savoir si le futur président de la commission devait être élu selon les règles du traité de Nice qui requiert une majorité simple ou, selon celles du Traité de Lisbonne qui prévoient une majorité absolue. La question ne se pose plus. Avec 382 suffrages Barroso a obtenu la majorité absolue qu’il souhaitait.
Dans l’attente du nouveau vote des irlandais qui conditionne l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, Daniel Cohn-Bendit avait bien proposé un report du vote mais, ses collègues ont largement rejeté ce scénario. Opposant déclaré à la reconduction de Barroso, le leader des Verts estimait hier encore que “Promesses ou pas, José Manuel Barroso n’est pas l’homme qu’il faut pour l’Europe“. A l’évidence, il n’est pas le seul.