Casterman Ecritures, 2009 - 215 pages - 18€
illustrations de Sungyoon Choi
traduit de l'anglais (USA) par Fanny Soubiran
L'histoire d'Alissa nous montre la multitude d'épreuves à affronter, en plus du choc, du traumatisme. Enceinte, elle se retrouve toute seule, sans un sou, complètement démunie. Les semaines qui suivent le 11 septembre, tout n'est que compassion et empathie, mais plus les mois passent et les victimes éplorées deviennent les boulets d'une société résolument patriotique, honteuse de ses pleurnicheries et qui blâme ceux qui quémandent de l'argent, toujours plus d'argent. Et de découvrir alors que le fonds fédéral de compensation pour les victimes des événements du 11 septembre n'est qu'un leurre, une vaste supercherie qui viserait plus à protéger l'état et les compagnies aériennes contre les intentions de procès.
L'histoire d'Alissa Torres est vraie, elle est servie par les illustrations de Sungyoon Choi qui travaille au New York Times. Ce n'est pas une histoire impudique, où l'auteur se sert de sa triste expérience pour l'étaler à la face du monde, au contraire elle a longtemps lutté contre les sollicitations de la presse. Ce livre, c'est surtout pour son fils, en mémoire du papa qu'il ne connaîtra jamais. C'est tendre et émouvant, à lire comme ça. Mais le récit rend compte d'une réalité plus douloureuse et pernicieuse, d'un abattement général et d'un système illogique, de ce sentiment de courber l'échine face à ce qui semble être une aumône, le déshonneur de pleurer, le fait d'être soudain seule au monde, pratiquement incomprise et délaissée. Et puis, le mari de Alissa Torres était un ressortissant colombien, qui n'avait pas encore ses papiers de citoyen américain, ce qui soulève aussi un autre problème. Souvent, Alissa se fait d'ailleurs la réflexion, si elle n'avait pas été enceinte, aurait-on eu la même sympathie pour son cas.
Une lecture sensible, pleine de faits nouveaux, qui apporte un éclairage intéressant, jamais affecté, car plus dans un souci de clarté. Ce qui est bon et généreux, contre ce qui paraît aberrant et inhumain. L'équilibre parfait. Parfois, on oublie presque le deuil d'Alissa, tant elle se dédie à sa course pour le souvenir de son mari et contre les ignominies qui l'entourent, mais lorsque cela surgit, c'est ... rempli d'électricité. Comme une décharge dans tout le corps. Très troublant, à vrai dire.