Ils sont quelques uns, chez mes confrères de Kiwis et ailleurs, a s’être exprimé sur le nouveau dada de Nicolas Sarkozy, la mesure du bien être où la remise en cause du PIB comme unique mesure du progrès. Premier ressenti tout d’abord, Sarkozy essaye de réinventer l’eau tiède. Le PIB, indicateur Roi parmi les Rois, mesure le niveau de production d’un pays (en additionnant les valeurs ajoutées des entreprises).
Comme son nom l’indique, le PIB est un « indicateur » qui « mesure » le « niveau de production d’un pays ». Et, comme son nom ne l’indique pas, le PIB n’est en aucun cas un outil de mesure de développement humain, de progrès social ou de bien-être.
Comme souvent, on se retrouve dans la paradoxale situation du politique qui, à force de jouer des chiffres et de les faire parler pour tout et n’importe quoi, finit par remettre en cause la pertinence de ces même chiffres lorsque ceux-ci deviennent trop violents et desservent son avenir.
En réalité le problème n’est pas tant dans le PIB que dans l’éducation économique et sociale de nos responsables politiques qui font dire n’importe quoi à des raisonnements froids et cartésiens. Il suffit de dire qu’un PIB de +0.5% indique un accroissement de la production de la France de +0.5% Dont acte. Pour le reste, éduquons nos populations à l’IDH (Indice de développement humain) créé par le PNUD en 1990 pour mesurer le niveau de développement de nos sociétés. Il suffit, au niveau politique, de ne pas mélanger les torchons et les serviettes et de surtout, ne pas faire passer le torchon pour une serviette et inversement.
Mais cette idée de « moraliser » le PIB n’émerge pas de nulle part.
C’est la conséquence directe de ce long processus qui a débuté dès le début de la crise dans lequel le politique ne cesse de s’émouvoir, à tord je le crois, du caractère inhumain, asocial et froid de la machine économique.
« Moraliser le capitalisme » pouvez –ton entendre il y a encore quelques semaines. Moraliser quoi, où ? Moraliser l’OMC ? Moraliser le FMI ? Moraliser les acteurs ? Parle t-on d’éducation des acteurs de la vie économique ? Que signifie Moraliser ? Introduire une Morale ? Laquelle ? Les bacheliers ne cessent, depuis des décennies de plancher sur ces questions de morales. Ai-je la même que mon voisin ? Qu’un confrère japonais, chilien ou texan ?
Malgré tout, la tendance actuelle demeure passionnante puisque des communautés d’Hommes se questionnent sur le sens à donner à leurs vies. Ce ne sont pas des questions faciles. Pis, les réponses ne sont même pas tranchées.
A ce titre, les préconisations issues du rapport Stiglitz me laissent plus que perplexe. En les lisant, je fus saisit d’une impression supérieure, comme si s’étalait là, sous mes yeux, le rêve d’une société parfaite. « Proposer des indices statistiques chiffrés permettant de refléter les différentes dimensions de la qualité de vie », « Intégrer la dimension subjective dans les statistiques », « Intégrer la soutenabilité du bien-être ».
Ici l’on parle donc de bien être, de subjectivité et de qualité de vie. Autant de concepts bien plus proches de la philosophie que de la science économique. Autant de concepts pluriels, en fonction des profils ou des sociétés. Autant de concepts intouchables pour un Etat, même français. Comment parler de mon bien-être ? Comment parler du vôtre ? L’Homme est-il seulement conscient de ce qui s’apparente au bonheur ? Suis-je bien ? Le bien-être peut-il être un concept totalement indépendant de la notion de consommation et de plaisir ? Comment diable attribuer à cette notion autant d’importance à l’heure où nos sociétés, comme se plaît à le dire Nicolas Hulot, confond très souvent le bonheur et le plaisir ?
Ce billet commençait par des phrases déclaratives. Il s’agissait de chiffres, de mesures, de quotas, d’évolutions, d’indicateurs quantifiables. Ce billet se clos sur une farandole d’interrogations. Le politique a cessé d’être froid, reculé et cartésien. Il court après l’émotion et adapte sa politique en souhaitant lui faire prendre un virage plus humain.
Nicolas Sarkozy a eu le mérite de soulever ces questions. Nos instruments de mesures si imparfait soient-ils, existent peut-être faute de mieux.
Continuons à mesurer l’enrichissement des pays et laissons le soin aux individus de mesurer eux-mêmes le bien-être, le bonheur et toutes autres notions relatives.