Mon article sur Ségolène a suscité des commentaires acerbes qui s'en prennent à ma personne et jettent le discrédit sur mes lecteurs. Ils traduisent une crispation de l'être qui n'a rien à voir avec l'analyse politique. Ils expriment le désespoir de la précarité. Je le connais bien même si je n'en suis pas victime. Je fréquente chaque jour la pire précarité qui soit : celle des enfants que je laisse finir leur nuit sur leur coin de table à l'école, que j'essaie de rassurer, de faire rire un peu, pour que le chemin du savoir ne devienne pas un calvaire. Il est d'autant plus nécessaire d'exercer son droit de citoyen à la critique argumentée que la détresse des enfants démunis est la plus insupportable. Oui, la gauche est en lambeaux. Au plan politique à la tête de l'appareil comme à la base des militants. Plus grave, dans une société de plus en plus mouvante, où le rapport au réel bouscule sans cesse les lignes, elle l'est également au plan conceptuel. Elle ne peut donc porter aucun projet d'avenir puisque les outils théoriques lui manquent cruellement. Parlons du capitalisme car c'est lui le responsable de tous les maux. Est-il soluble dans une morale du bien commun qui reste à inventer ? Serait-il seulement compatible avec elle ? Une correction à la marge de ses dégats collatéraux, comme on en pratique depuis plusieurs décennies, peut-elle relever les défis majeurs du XXIème siècle ? Les menaces qui pèsent sur l'intégrité de l'humain, (biologiques, écologiques, linguistiques, culturelles...), ne seront pas repoussées sans une révolution de la pensée. Mais la gauche dite de gouvernement ne peut pas la faire. Ligotée par la doxa du néolibéralisme, invitée par les puissances financières à se partager le banquet mondial, n'est-ce pas M. Strauss-Kahn, elle n'a plus la liberté de l'audace. La gauche est devenue la drauche et ce n'est pas d'aujourd'hui. Les syndicats eux-mêmes, CGT comprise, recentrent leur propos autour du "raisonnable". On ne peut pas tout vouloir tout de suite. Il ne faudrait pas casser l'appareil de production. Et pendant ce temps, malgré la crise spéculative, les dirigeants du CAC 40, les traders continuent à se goinfrer. M. Strauss-Kahn se promène à grands frais en Afrique, dit qu'il faut sauver ce continent saigné à mort, évoque un effacement total de la dette des Etats, (déjà fait il y a vingt ans sans succès), mais ne s'en prend que du bout des lèvres aux groupes internationaux qui font de ces terres damnées un vaste jeu de monopoly. En décembre 2008, le F.M.I. a accordé des subsides à la Hongrie aux mêmes conditions de toujours : tailler dans les dépenses de l'Etat, reculer l'âge de la retraite, réduire la facture du système de santé... La crise était déjà là pourtant. Barack Obama partait en guerre contre les inégalités planétaires et poursuit son combat au risque d'y laisser la peau. Pendant ce temps, M. Strauss-Kahn prend du ventre et du bon temps avec ses secrétaires. Pendant ce temps, Madame Royal entend chaque matin les voix des Français cependant que les Lang-Allègre- Besson-Kouchner-Rocard lèchent les bottes de la Sarkozie... Alors, bon, je veux bien espérer encore en Martine Aubry mais il faut faire vite, très vite. Avant que le tissu social ne se déchire vraiment et que les laissés-pour-compte ne débarquent chez moi pour brûler mes bouquins et ma petite propriété pas encore payée... Ce n'est pas moi qu'il faut attaquer Pierre, ce n'est pas les manifestants semestriels qui craignent pour les acquis sociaux qui leur restent encore. La cible se trouve beaucoup plus haut. Courage ! Je sais qu'une nouvelle étoile va bientôt se lever du côté de chez toi. Souhaitons qu'avec d'autres elle puisse réussir là où nous avons échoué collectivement : sauver le monde !