Dans l'édition, les capitaines de navire font comme tout passager de montgolfière : on jette par-dessus bord tout ce qui permettrait de remonter. On fait donc dégager les auteurs qui ne vendent pas assez, et l'on promeut un Dan Brown avec un premier tirage démentiel et un budget de communication sidérant. Le tout en espérant regagner les cieux. Mais comment un éditeur indépendant pourrait-il rivaliser et soutenir ses auteurs face à de telles machines ?
L'actionnaire, la promotion et la communauté
Car la promotion sur le net, c'est le Far West, assure Andy Hunder, rédacteur en chef de Electric Literature, un bi-mensuel américain. Pas de limites, pas de lois et une seule limite : l'inventivité, c'est-à-dire, la prise de risque. Une idée qui n'est « généralement pas associée à une industrie dont le produit final est plutôt consommé par un lecteur assis au coin du feu. Les livres sont calmes, ils vont bien avec le thé. C'est comme de tricoter ». Pourtant, même les amateurs de tricot disposent d'une communauté de blogueurs...
Etsy.com montre justement une nouvelle voie. Ce site réunit des créateurs, des artisans réunis sur un site de vente, qui met l'accent sur la communauté et devient un catalyseur : il améliore et accélère les ventes de ceux qui n'étaient avant que des petits...
Le vide à combler, et la convergence
Aujourd'hui, on trouve un grand vide laissé par les grands éditeurs. De même que pour l'artisanat, l'édition indépendante est une grande histoire, et relève de la tradition. Et dotée d'une plateforme adéquate, et d'un marketing, elle a tout ce qu'il faut pour remonter la pente abandonnée par les Gros. La concurrence entre eux est importante, mais elle pourrait laisser place à une émulation et une coordination qui seraient bien plus profitables. Leurs caractères communs sont connus : qualité, diversité et personnalité. La crise d'aujourd'hui est l'occasion rêvée pour s'emparer de la place laissée : celle de l'espace créatif entre blockbuster et avant-gardisme.
Si les technologies pour communiquer se démocratisent, les outils permettent également de décentraliser les pouvoirs et d'alimenter la créativité. L'ère de l'information, celle d'internet, n'aura pas, même sur du long terme, d'effet négatif sur la littérature. N'en déplaise à ceux qui considèrent que l'on [NdR : comprendre, les petits éditeurs] publie trop. Les secteurs de niche se sont démultipliés, pour créer des contenus qui ciblent des publics spécifiques - n'existe-t-il pas une chaîne nommée No Life TV, pour les geeks, nerds et autres amateurs de... bref.
Voici venir l'Âge d'Or
Aujourd'hui, le boom de la créativité n'a pas encore achevé son ascension. Mieux encore, la bibliodiversité ira croissant, chaque jour un peu plus : des abominations sortiront, c'est certain, inutile de se voiler la face. Mais de grandes choses jailliront, à l'aune des daubes que l'on endurera. Si, si... C'est là que les filtres devront se mettre en place et acquérir progressivement la confiance des lecteurs. « Dans quelques années, l'édition sera un paysage sauvage, en germination, qui connaîtra un nouvel essor », estime Andy.
Toujours, comme un ras-le-bol s'est fait sentir, une nouvelle tendance est apparue : le punk a contré la musique insupportable, le classicisme a rompu avec le baroque, le romantisme avec l'âge de raison du Siècle des Lumières. « Avec chaque tendance qui menace de nous voler notre culture, une contre-tendance se dégage pour encourager un renouveau. Ainsi commence l'âge d'or de l'édition indépendante. »