La photo illustrant la couverture de ce livre est signée Raymond Depardon/Magnum
Je vous ai habitués à cette collection qui a pour but de recueillir des témoigagnes, récits, journaux intimes et poèmes. Tous ces textes sont collectés par Radio-France, puis répertoriés et classés sous la direction de Jean-Pierre Guéno. Voici ce qu'il écrit à propos de cet ouvrage :
"Notre intention n'était pas de faire ici le procès de la prison, de l'administration pénitentiaire ou de la justice. Elle n'était pas de transformer le lecteur en voyeur impudique, en l'immergeant dans un "zoo humain" animé par les turpitudes plus ou moins glauques qui germent parfois dans les tréfonds de la misère humaine. Elle n'était pas non plus de l'inciter à s'apitoyer en sens unique sur le sort des détenus de droit commun et de faire oublier la souffrance souvent inconsolable des victimes de leurs délits et de leurs crimes.
Elle visait plus simplement à essayer de faire changer le regard porté par l'homme de la rue sur l'homme emprisonné. A rappeler que l'homme assassin, criminel ou délinquant reste un être humain, même lorsqu'il a franchi les limites de l'inhumanité. A briser ce mur de silence et de tabous qui nous incite les uns et les autres à ne pas regarder ce qui nous gêne, ce qui nous trouble ou nous effraie. A nous convaincre qu'au-delà de la privation de liberté qui caractérise la prison; rien ne justifie que la souffrance infligée aux bourreaux soit proportionnelle à la souffrance infligée aux victimes, dans la mesure où la souffrance des uns ne compense jamais la souffrance des autres. A nous faire réaliser que le temps des "bagnes psychiques" est aussi révolu que celui des bagnes réels. A nous inciter à penser, à inventer, à réfléchir, pour ne pas répondre à la barbarie par la barbarie, et aussi pour que la prison ne soit pas la réponse en forme de démission qui serait donnée par la société aux grands problèmes qui la rongent : depuis trente ans, le nombre de détenus a quasiment doublé, alors que la population française n'a augmenté que de 10%. Et ce n'est certainement pas le fruit du hasard si cette progression s'est effectuée sur fond de chômage et de "suburbanisation" débridée.
A l'heure où un tiers des crimes et des délits qui conduisent en détention sont le fruit de la drogue ou de la misère sexuelle, c'est à dire de la misère économique et mentale, il est clair que la Cité doit se poser de vraies questions très en amont de la prison, et qu'avant même d'apprendre à réinsérer les 57 000 détenus qui peuplent ses maisons centrales, ses maisons d'arrêt et ses centres de détention, elle doit apprendre ou réapprendre elle-même à "insérer" plutôt qu'à exclure tous ceux qui sont en danger de marginalisation : par manque d'éducation, par manque d'instruction, par manque d'amour, par manque d'équilibre, par manque d'argent, par manque de travail, par manque de nationalité française, par manque de chance ou... par manque de jeunesse." Jean-Pierre Guéno (2001)
Paroles de détenus - Librio n° 409 -