Theodore Sturgeon
Le Livre de Poche (1978)
Le recueil d'Alain Garsault était paru au Livre de Poche voici vingt-cinq ans et n'avait pas été réédité depuis. C'est donc avec émotion qu'on retrouvera (ou découvrira pour les nouveaux lecteurs) quelques uns des plus beaux textes de Sturgeon comme « L'Homme qui a perdu la mer », entièrement rédigé à la seconde personne du singulier, qui est le long délire d'un astronaute malchanceux, ou comme « L'Eveil de Drusilla Strange », qui présente les premiers pas d'une exilée sur Terre, déposée là en guise de châtiment pour le crime qu'elle a commis. Elle apprendra à regarder ce monde et ses gens autrement que comme une prison, elle apprendra à l'aimer.
Plusieurs autres textes du recueil sont des œuvres de jeunesse sans être pour autant mineures : « Ça » est un récit d'horreur haletant où Sturgeon dévoile pour la première fois l'étendue de ses talents, en particulier dans la construction des personnages. Les pensées de la chose née de la boue, qui observe les faits de façon brute, sans intelligence mais avec une curiosité manifeste, sont bien rendues. Nul ne peut en revanche prétendre ignorer « La Merveilleuse aventure du bébé Hurkle », récit humoristique cité dans tous les ouvrages consacrés à la S-F et qui a la particularité de ne dévoiler que vers la fin, à travers cinq mots anodins glissés dans une phrase, la nature du narrateur.
De Sturgeon, on connaît surtout les deux principaux romans, Cristal qui songe et Les Plus qu'humains, en oubliant un peu rapidement qu'il fut avant tout un nouvelliste. Les recueils qui lui sont consacrés se font rares sur les étagères et c'est pourquoi il faut saluer cette réédition pour ce qu'elle est : indispensable.
Claude Ecken